Parce qu'il met les locataires et occupants dans des situations très inconfortables qui peuvent malheureusement tourner au drame, l'habitat indigne est une préoccupation pour les élus locaux. Pour lutter contre ce fléau, les maires disposent depuis quelques années d'un outil préventif efficace : le « permis de louer ». Ce dispositif, encore très mal connu des propriétaires bailleurs, s'applique dans de plus en plus de villes (plus de 400 en 2023) et son non-respect est sévèrement sanctionné.
La définition du permis de louer
Le permis de louer est un dispositif juridico-administratif s'inscrivant dans le cadre de la lutte contre le logement insalubre et le phénomène des « marchands de sommeil ». Instauré au sein de zones caractérisées par une proportion importante d'habitat dégradé, le permis de louer contraint les propriétaires à y démontrer la conformité de leur logement aux exigences de décence. Le permis de louer peut prendre deux formes :
- l'autorisation préalable de mise en location, qu'on nomme couramment « permis de louer » ;
- la déclaration de mise en location, moins contraignante.
Le permis de louer ne concerne aujourd'hui qu'une minorité de villes et bien souvent seule une petite partie de celles-ci est concernée ; en conséquence, cette démarche n'est pas requise pour la très grande majorité des bailleurs !
Le permis de louer a été créé par la loi Alur de mars 2014 et il se déploie progressivement depuis le printemps 2017.
Pourquoi un permis de louer ?
La France compte un grand nombre de logements indignes
Malgré une réglementation foisonnante sur le papier, on pense notamment au décret « logement décent » et au règlement sanitaire départemental, deux textes qui imposent des normes de confort et d'habitabilité pour toutes les locations de France, le mal logement et l'habitat dégradé demeurent en 2023 une réalité prégnante. Cette situation met dans la précarité encore trop de locataires et occupants et, dans ces formes les plus graves heureusement rares, provoque ou contribue à des drames (incendie, effondrement) ; comment ne pas se souvenir de leffondrement des immeubles de la rue dAubagne à Marseille le 5 novembre 2018 qui a entraîné la mort de neuf habitants et marqué durablement les esprits.
Même si la comptabilisation est délicate, le chantier de la lutte contre lhabitat indigne est gigantesque ; selon la Fondation Abbé-Pierre, il y aurait en France 600 000 logements potentiellement indignes ou très dégradés.
Le permis de louer permet de mieux lutter contre l'habitat indigne
Face au constat de la persistance du mal-logement, les mesures déjà existantes, comme les arrêtés de mise en sécurité ou de traitement de l'insalubrité et le délit d'hébergement incompatible avec la dignité humaine, sont apparus insuffisants. L'État a alors dû prendre une série de nouvelles mesures parmi lesquelles on peut citer :
- l'interdiction faite aux marchands de sommeil condamnés d'acquérir tout bien immobilier pendant une période de dix ans + une peine de deux ans de prison et de 30 000 € d'amende en cas de violation de cette interdiction ;
- la création d'un « permis de diviser » dans des zones définies. Il s'agit d'y imposer une demande dautorisation préalable pour des travaux conduisant à la création de plusieurs locaux à usage dhabitation dans un immeuble existant. L'objectif est d'éviter lutilisation par les marchands de sommeil de la division pavillonnaire qui peut vite déraper en hébergement indigne ;
- la création du « permis de louer », aujourd'hui déjà mis en place dans plusieurs centaines de villes.
Le permis de louer est une disposition plus contraignante que le droit antérieur et surtout elle est préventive ; en l'absence de permis de louer, pas de location possible ! Par ailleurs, le permis de louer permet à la mairie/l'intercommunalité de visiter les logements et, si nécessaire, d'ordonner l'exécution de travaux de remise en état de logements considérés comme impropres à la location avant toute mise en location, afin de garantir la sécurité du locataire.
Un des piliers de la loi logement dite Elan de 2018 est d'ailleurs de « déclarer la guerre aux marchands de sommeil en les tapant au portefeuille. »
Comment fonctionne le permis de louer ?
Le permis de louer, c'est concrètement une obligation supplémentaire imposée aux bailleurs qui permet de contrôler l'état des logements avant leur mise en location. La mesure a donc pour objectif immédiat de réduire le nombre de logements qui ne respectent pas les critères de décence imposés pour la mise en location de tout logement.
Dans les villes où il est appliqué, la mairie est avertie dès qu'un propriétaire envisage de louer son logement. Les services dhygiène peuvent alors effectuer des vérifications sur place. Ils s'assurent ainsi que le logement est conforme à la location. S'il ne l'est pas, ils peuvent imposer aux propriétaires de réaliser les travaux nécessaires pour rendre le logement conforme aux normes de décence en vigueur (état, surface habitable, éléments de confort...), afin qu'il ne porte pas atteinte à la sécurité physique ni à la santé des locataires. Cette mesure permet également d'identifier les marchands de sommeil.
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Quand faut-il demander le permis pour mettre en location ?
Quand demander l'autorisation préalable de mise en location ?
Le particulier qui souhaite mettre un logement situé dans les zones soumises à autorisation préalable de mise en location doit, au préalable, en faire la demande et attendre d'en obtenir l'autorisation ; le dépôt de la demande d'autorisation doit donc obligatoirement se faire en amont de la signature du bail de location.
La démarche doit être effectuée à chaque nouveau bail signé avec un nouveau locataire. En revanche, il n'est pas nécessaire de refaire la démarche pour un simple avenant au bail, par exemple si vous convenez du remplacement de l'un des colocataires en cours de bail.
Quand effectuer la déclaration de mise en location ?
Le particulier qui met en location un logement situé dans une zone soumise à déclaration de mise en location le déclare, dans un délai de quinze jours suivant la conclusion du contrat de location. Le dépôt de la déclaration donne lieu à la remise d'un récépissé, dont une copie est transmise pour information par le propriétaire au locataire.
Cette déclaration doit être renouvelée à chaque nouvelle mise en location.
Permis de louer : quels sont les propriétaires concernés ?
Les locations concernées par le permis de louer
Sont soumises au permis de louer toutes les locations vides et meublées à usage de résidence principale du locataire, qu'il s'agisse d'une première mise en location ou d'une relocation. En revanche, le permis de louer n'est pas à obtenir en cas de tacite reconduction ou de conclusion d'un avenant, par exemple si un locataire intègre une colocation préexistante.
Les logements concernés par le permis de louer
Seuls sont concernés les logements situés dans le périmètre géographique délimité par la mairie. Or, si certaines mairies instaurent le permis de louer sur toute la ville, la plupart ne l'imposent que sur une fraction de leur territoire, parfois extrêmement réduite (quelques rues voire quelques adresses !). Il faut donc toujours bien analyser le zonage pour savoir si l'on est concerné.
Permis de louer : où se renseigner ?
Il n'existe malheureusement pas de base de données centralisée et publique des communes appliquant le permis de louer. Pour savoir si votre logement est concerné par l'autorisation de louer, vous devez donc consulter le site internet de votre mairie/intercommunalité ou contactez-la par mail avant de louer votre logement, afin de savoir s'il est situé dans l'un des secteurs considérés comme à risque, et de connaître la démarche à effectuer. Certaines communes diffusent également l'information sur les réseaux sociaux, par voie d'affichage sur les panneaux municipaux ou encore dans des articles du journal de la ville. Vous pouvez également :
- interroger gratuitement votre Agence Départementale d'Information sur le Logement (ADIL) ;
- consulter la liste établie par Smartloc au cours du premier trimestre 2022, qui recense 388 communes appliquant le permis de louer. À défaut de base de données publique, celle-ci est la plus complète...mais elle ne peut être considérée comme exhaustive.
La décision de mettre en place le permis de louer mentionne à quelle date elle entre en vigueur (au minimum six mois après qu'elle ait été adoptée). Elle précise également si la demande peut être transmise par voie électronique.
Quelles villes demandent un permis de louer en 2023 ?
L'absence déplorable de liste officielle des communes qui imposent le permis de louer nuit grandement à la connaissance de la mesure et à son respect ; il est possible d'être hors la loi... en toute bonne foi ! Il est souhaitable que cette situation évolue rapidement alors que la liste des villes impliquées ne cesse de s'allonger.
En l'absence de liste étable par l'administration, il est utile de consulter celle établie par le site Smartloc qui a recensé les communes concernées début 2022 ; elles étaient alors 388. Néanmoins, cette liste n'est pas actualisée alors même que de nouvelles communes décident régulièrement d'appliquer la mesure ; c'est par exemple le cas la ville de Morangis (91) depuis le 28 décembre 2022.
Permis de louer : liste des communes 2023
Il n'y a pas de typologie précise de la ville qui applique le permis de louer ; il peut s'agir de métropoles, de villes moyennes (Roubaix, Dunkerque, Perpignan, Châteauroux, Narbonne, etc.) ou de petites communes rurales. Une chose est certaine : c'est l'autorisation préalable, forme du permis de louer la plus contraignante pour le propriétaire, qui est plébiscitée par les communes. Afin d'éviter un inventaire à la Prévert fastidieux, nous vous indiquons, à titre illustratif, quelques villes qui appliquent le permis de louer en 2023 sur les plus de 400 que compte la France.
Le permis de louer à bordeaux
Il est obligatoire sur tout ou partie de Bordeaux Métropole.
Le permis de louer à Lille métropole
Il est obligatoire sur tout ou partie du territoire des 27 communes de la métropole depuis le 1er janvier 2023.
Le permis de louer à Marseille
Il est obligatoire sur une partie de Marseille et sur plusieurs villes des Bouches-du-Rhône.
Le permis de louer à Montpellier
La ville de Monpellier a mis en place le permis de louer sur une petite partie de son territoire.
Le permis de louer à Lyon
Le quartier Bellevue à Saint-Priest est le premier lieu de la Métropole de Lyon où le permis de louer est déployé.
Le permis de louer en Île-de-France
Le permis de louer est aussi appliqué dans de nombreuses villes d'Île-de-France ; hors Paris, tous les départements sont concernés : Seine-Saint-Denis, Hauts-de-Seine, etc.
Avant toute mise en location, interrogez la mairie où se situe le bien et/ou consulter l'Adil locale.
Comment obtenir un permis de louer ?
Pour obtenir le permis de louer, il vous faut remplir un dossier et y annexer certains documents. L'envoi s'effectue par lettre recommandée avec accusé de réception ou par voie électronique si cela a été prévu.
L'autorisation préalable de mise en location : le formulaire Cerfa 15652
Pour mettre en location un logement situé dans les zones soumises à autorisation préalable de mise en location, il faut transmettre une demande d'autorisation, établi conformément à un formulaire officiel ; le Cerfa 15652.
Pour remplir ce formulaire, vous pouvez vous aider de la notice d'utilisation Cerfa 52148.
La déclaration de mise en location : le formulaire Cerfa 15651
Pour mettre en location un logement situé dans les zones soumises à déclaration de mise en location, il faut transmettre une déclaration, établie conformément à un formulaire officiel ; le Cerfa 15651.
Pour remplir ce formulaire, vous pouvez vous aider de la notice d'utilisation Cerfa 52147.
Le permis de louer nécessite les diagnostics immobiliers
Que vous soyez soumis à autorisation préalable ou à simple déclaration, le formulaire doit être accompagné des diagnostics immobiliers obligatoires en location, soit jusqu'à six diagnostics suivant la situation :
- le diagnostic de performance énergétique (DPE) ;
- le constat de risque d'exposition au plomb (CREP) ;
- l'état des risques et pollutions ;
- le diagnostic électricité ;
- le diagnostic gaz ;
- le diagnostic amiante.
À partir de 2025 la lutte contre les passoires énergétiques aboutira à l'interdiction des logements classés G par le DPE puis à l'interdiction des logements classés F en 2028.
Combien de temps pour obtenir un permis de louer ?
Une fois que vous avez complété et transmis le formulaire requis pour votre logement, il vous faut patienter différemment selon que vous êtes astreint à une simple déclaration de mise en location ou a une autorisation préalable.
Le délai en cas de déclaration de mise en location
Dans la semaine qui suit le dépôt, si votre demande est complète, vous recevez une copie de votre déclaration et un récépissé indiquant la date à laquelle vous l'avez déposée. Vous êtes alors immédiatement dans les règles pour louer. En revanche si votre demande est incomplète, l'accusé de réception vous indique la liste des informations à compléter dans un délai maximal d'un mois. Si vous tardez trop, il faudra recommencer la procédure entièrement.
Le délai en cas d'autorisation préalable de mise en location
Une fois que vous avez complété et transmis le formulaire, soit vous recevez un accord exprès dans un délai d'un mois, soit vous ne recevez aucune réponse dans ce même délai, ce qui correspond à un accord tacite. Cette autorisation est à joindre au bail.
En revanche, si l'autorité administrative refuse votre demande, son refus doit être exprès et motivé, et doit préciser la nature des travaux ou aménagements que vous devez réaliser avant de pouvoir louer votre logement.
Le plus souvent, la mairie fait visiter le logement par ses services pour vérifier la salubrité (absence d'humidité et de rongeurs par exemple) et la sécurité (absence de dangerosité de l'installation électrique par exemple) du logement.
Quel est le prix d'un permis de louer ?
Dans l'immense majorité des communes, le permis de louer est gratuit ; il n'est réclamé aucuns frais aux propriétaires parce que c'est l'esprit de la loi. Toutefois, il ne serait pas illégal pour une ville de facturer la démarche ; renseignez-vous !
Louer sans avoir le permis : quelles sanctions ?
Louer sans permis est non seulement moralement condamnable, mais aussi juridiquement punissable ; en effet, de lourdes amendes sont prévues en cas de mise en location en violation des règles. Ainsi, vous risquez :
- une amende de 5 000 € si vous mettez un logement en location sans avoir rempli l'obligation de déclaration de mise en location ;
- une amende de 5 000 € si vous mettez un logement en location sans avoir déposé votre demande d'autorisation préalable, amende portée à 15 000 € en cas de récidive dans les trois ans.
Ces sanctions ne sont pas virtuelles mais bien mises en uvre. C'est ainsi que, par exemple :
- dix amendes pour un montant total de 80 000 € ont été infligées en 2021 à des propriétaires qui ne respectaient pas le permis de louer à Grigny ;
- trois propriétaires ont été chacun condamnés à 15 000 € en 2022 pour ne pas avoir respecté le permis de louer à Marseille.
Sources :
- Articles L635-1 à L635-11 et R. 634-1 à R. 634-4 du Code de la construction et de l'habitation : autorisation préalable de mise en location ;
- Articles L634-1 à L634-5 et R. 635-1 à R. 635-4 du Code de la construction et de l'habitation : déclaration de mise en location ;
- Mesures de lutte contre lhabitat indigne et les marchands de sommeil, ministère de la Transition écologique et de la Cohésion des territoires ;
- Immobilier : le permis de louer, un dispositif qui peut inquiéter les propriétaires bailleurs, leparticulier.lefigaro.fr ;
- Un permis de louer pour lutter contre l'habitat indigne, caf.fr ;
- Propriétaires bailleurs : ces communes qui imposent un permis de louer, lerevenu.com, Myriam Simon, 18 juillet 2023.