Mur mitoyen : quelles obligations ?

Nathalie Giraud
Mis à jour par
le 16 février 2023
Juriste chez PAP.fr

Un mur ou une clôture sépare votre maison de celle du voisin. Qui en est propriétaire ? Est-il mitoyen, présumé mitoyen ou privatif ? Autant d'interrogations auxquelles nous nous efforcerons de répondre au regard du Code civil et de votre titre de propriété.

Mur mitoyen dégradé : qui paie ?
Mur mitoyen dégradé : qui paie ? © BenedicteVanderreydt/GettyImages

En maison individuelle ou en copropriété, comment prouver les limites de sa propriété ?

Être propriétaire d'un terrain, d'une maison ou d'un appartement permet d’en « jouir et d'en disposer de la manière la plus absolue » (article 544 du Code civil). Pour cela, encore faut-il connaître avec exactitude les limites « physiques » de sa propriété, et ce, que l'on soit en maison individuelle ou en copropriété. Bornage pour les uns ou lecture du règlement de copropriété pour les autres, chacun connaîtra ainsi l'étendue de sa propriété et par voie de conséquence les droits et obligations qui s'y rattachent.

C'est quoi un bornage de propriété ?

Le bornage consiste à déterminer la limite séparative de deux propriétés contiguës et à les marquer par des repères matériels : les bornes. Bien que le bornage ne soit pas obligatoire, il permet de définir très précisément les limites d'une propriété. Vous éviterez ainsi tout litige avec votre voisin si vous décidez de construire un mur ou d'édifier une clôture séparative. Notez que si vous veniez à empiéter sur le terrain de votre voisin, ce dernier serait en droit de vous contraindre à les démolir. Autre intérêt non négligeable du bornage : s'assurer, lors de l'acquisition d'un terrain, que la superficie indiquée par le vendeur correspond bien à la réalité.

Réalisé le plus souvent par un géomètre expert, le bornage permet de déterminer la limite séparative entre deux terrains contigus. La limite est matérialisée par des repères nommés « bornes ». Le bornage assure la sécurité juridique des propriétaires puisqu'il permet à chacun de connaître les limites de sa parcelle. Le bornage, un document précieux qui définit les limites d'une propriété

Quelle différence entre mur mitoyen et mur privatif ?

Un mur est privatif s'il est érigé sur son propre terrain et à ses frais. On le dit en limite de propriété. Un mur est mitoyen s'il est à cheval sur deux propriétés. 

Comment savoir si un mur est mitoyen ou non ?

Affirmer qu'un mur est mitoyen ne suffit pas : il faut le prouver. La preuve du caractère mitoyen ou non d'un mur peut être établie de trois façons :

  • par un titre ;
  • par prescription trentenaire ;
  • par présomption.

Qu'entend-on par « titre » pour justifier de la mitoyenneté ?

Le titre par excellence est un acte notarié dit translatif (transfert de propriété : acte de vente, d'une donation, legs lors d'une succession). Il peut également s'agir d'un acte sous seing privé, c'est-à-dire d'une convention signée entre les voisins constatant par exemple la construction d'un mur mitoyen à frais communs. Il n'y a généralement pas de problème si vous possédez un titre indiquant le caractère privatif ou mitoyen de la séparation. Sachez qu'un jugement vaut titre également.

Se comporter comme le véritable propriétaire pendant 30 ans écarte-t-il la mitoyenneté ?

Selon l'article 2258 du Code civil, la mitoyenneté peut s'acquérir par prescription lorsque la possession et la jouissance du mur ont duré au moins trente ans. On parle de prescription acquisitive. C'est ainsi lorsque vous vous êtes comporté avec votre voisin, pendant trente ans, comme le véritable propriétaire du mur, en l'entretenant et en y effectuant à frais communs les réparations nécessaires ; on considère alors que la séparation est mitoyenne. À l’inverse, si vous avez entretenu, réparé, reconstruit seul le mur pendant trente ans sans que votre voisin, véritable propriétaire, ne réagisse, vous pouvez alors revendiquer la propriété privative du mur.

Il a été reconnu (cass. 3e civ, 4 décembre 1991) que la prescription pouvait l'emporter sur un titre même plus ancien que la prescription elle-même. Donc entre un titre et la prescription, c'est la prescription qui l'emporte.

Mur mitoyen ou privatif ? 

Présumer la mitoyenneté juste par l'aspect extérieur du mur, c'est possible. En l'absence de titre, la mitoyenneté d'un mur se présume quand il sert de séparation dans les cas suivants :

Le mur sépare deux bâtiments

Si ces derniers sont d'égales hauteur et longueur, le mur sera réputé mitoyen sur sa totalité. En revanche, si l'une des constructions est moins haute que l'autre, le mur ne sera mitoyen que jusqu'à la hauteur de la construction la moins haute.

Le mur est mitoyen. © PAP
Le mur est mitoyen jusqu'à l'héberge. © PAP

Au-delà, il est privatif et appartient exclusivement à la propriété la plus haute. 

Le mur sépare des cours, jardins ou enclos

Il est ainsi présumé mitoyen lorsqu'il sépare deux cours, deux jardins, une cour et un jardin, deux enclos dans les champs.

Étant donné que le mur du bâtiment sépare un jardin, il est présumé appartenir exclusivement au propriétaire de la maison. Il en aurait été autrement si le mur séparait deux jardins. © PAP

En vertu de l'article 654 du Code civil, la présomption de mitoyenneté est écartée dès lors qu'existent sur le mur des signes extérieurs établissant son caractère privatif. Ainsi, lorsque le sommet du mur n'est en pente que d'un seul côté, il est présumé appartenir exclusivement au propriétaire du terrain du côté duquel penche le sommet du mur.

Peut-on affirmer qu'un mur séparatif est mitoyen ?

Oui ! Le mur séparatif est réputé mitoyen, sauf preuve du contraire. C'est le cas si l'un des voisins possède un titre de propriété prouvant que le mur lui appartient. Il en va de même si le mur comporte des caractéristiques spécifiques d'un seul côté, comme des tuiles, des ardoises, une inclinaison, etc. ; le mur est alors censé appartenir au voisin concerné par ces signes distinctifs. Enfin, si l'un des propriétaires peut prouver que lui seul a entretenu ou réparé le mur séparatif pendant plus de trente ans, le mur est présumé lui appartenir.

Cette présomption de propriété basée sur l'entretien du mur pendant plus de trente ans prédomine même sur un titre prouvant le caractère mitoyen de la séparation.

Toute séparation n'est pas forcément mitoyenne ?

En effet, tel est le cas, si vous construisez, à l'extrême limite de votre propriété, un mur ou une clôture. Cette dernière sera donc privative. C'est pourquoi il est important de déterminer de façon certaine si une séparation est mitoyenne ou non (bornage ou Document modificatif du parcellaire cadastral (DMPC), ex arpentage), ne serait-ce que pour savoir si vous êtes tenu de participer aux frais d'entretien, de réparation ou de reconstruction. Ou encore, pour savoir si vous avez le droit d'appuyer une construction contre le mur séparatif.

Les haies végétales peuvent être qualifiées de mitoyennes ?

La mitoyenneté est régie par les articles 653 à 673 du Code civil et s'applique à toutes les formes de clôtures séparatives : murs, barrières, haies, palissades, fossés, grillages. De plus, sachez que la distance minimale pour planter une haie ne s’applique pas dans le cas d’une haie mitoyenne, qui est plantée à cheval sur la limite entre deux propriétés.

Réglementation sur la distance des plantations 

Les arbres de plus de 2 m de haut à l’âge adulte doivent être plantés à au moins 2 m de la limite de la propriété. Les plantations ne dépassant pas 2 m de haut au stade adulte doivent être placées à 0,60 m minimum de la limite de la propriété. La distance se mesure en partant du milieu du tronc de l’arbre. Une réglementation particulière pour Paris et la région parisienne : aucune distance n'est imposée. La jurisprudence admet que les plantations peuvent avoir lieu jusqu'à l'extrême limite des propriétés, sous réserve de l'obligation d'élagage imposée par l'article 673 du Code civil et de ne pas causer aux voisins une gêne excessive par des plantations trop élevées.

Peut-on fixer quelque chose sur un mur mitoyen ?

Chaque propriétaire a la possibilité non seulement de bâtir contre le mur mitoyen pour y adosser par exemple une serre ou un garage, mais encore pour y enfoncer des poutres ou solives dans presque toute son épaisseur. Dans ce cas, vous devez laisser un espace de 5,4 cm du côté de votre voisin. Toutefois, si ce dernier veut, au même endroit, y placer des poutres ou solives, il peut vous contraindre à raccourcir lesdites poutres jusqu'à la moitié du mur (article 657 du Code civil).

Le propriétaire B a l'obligation de laisser un espace de 54 mm du côté du mur appartenant au propriétaire A. © PAP
En revanche, si le propriétaire A envisage d'y placer également une poutre. Il pourra le faire. © PAP

Faut-il l'accord du voisin ?

Oui ! Lorsque vous envisagez d'adosser un ouvrage ou de construire contre votre mur mitoyen, vous devez préalablement demander l'accord de votre voisin (article 662 du Code civil). Pour cela, il suffit de le rencontrer ou de lui envoyer un courrier expliquant vos intentions. Pour éviter tout litige ultérieur, le mieux est de lui faire signer les plans de votre projet. En cas de refus, le recours au conciliateur de justice auprès du tribunal judiciaire sera la solution ultime.

N'oubliez pas les éventuelles autorisations administratives : Déclaration de travaux ou permis de construire.

Est-il possible de changer la hauteur du mur entre voisins par surélévation ?

Selon les articles 658 à 660 du Code civil, vous avez la possibilité de rehausser le mur mitoyen sans que votre voisin ne puisse s'y opposer. En d'autres termes, l'accord de ce dernier ne vous est pas nécessaire. Toutefois, afin de garder de bonnes relations de voisinage, nous vous conseillons de soumettre votre projet à votre voisin. Il est bien évident que la surélévation ne doit pas lui causer un préjudice, par exemple la perte d'ensoleillement (trouble anormal de voisinage). Il serait alors en droit de vous réclamer des dommages et intérêts.

Par ailleurs, comme vous deviendrez pleinement propriétaire de la partie rehaussée, vous supporterez seul le coût des travaux ainsi que ceux liés à l'entretien.

Et si le mur mitoyen n'est pas en état de supporter de tels travaux ?

En cas de vétusté, ou faiblesse des fondations, vous devrez prendre en charge la reconstruction totale du mur avant de commencer les travaux de rehaussement (article 659 du Code civil). En outre, si un élargissement du mur est nécessaire, l'excédant d'épaisseur doit être pris sur votre terrain.

Existe-t-il une hauteur maximale à ne pas dépasser ?

S'il n'y a aucune règle locale (selon votre code postal, vous aurez les coordonnées de votre mairie), il faut se référer à la loi qui fixe des règles de hauteur minimale (article 663 du Code civil). En l'absence de réglementation locale, la hauteur doit au moins atteindre 3,20 m dans les villes de plus de 50 000 habitants et 2,60 m dans les autres.

Aucune hauteur maximale n'est imposée. Mais ne perdez jamais de vue le trouble de voisinage. La hauteur peut engendrer une perte de vue, une perte d'ensoleillement ouvrant un recours contre vous.

Peut-on végétaliser de son côté le mur mitoyen ?

Chaque copropriétaire peut habiller comme il l'entend son côté du mur en y accrochant ce qu'il souhaite (article 671 du Code civil). Il peut faire pousser des plantes grimpantes telles que glycine, vigne, chèvrefeuille, rosier... et fixer les treillages nécessaires. Dans ce cas, il n'est pas tenu de respecter les distances réglementaires habituellement appliquées pour planter des végétaux. En principe, leur hauteur est limitée à celle du mur. Ces plantations ne doivent pas endommager le mur ni nuire au voisin. Si une plantation est à l'origine de dégradations sur le mur, l'auteur assume seul la réparation des dommages.

La distance minimale pour planter une haie ne s’applique pas dans le cas d’une haie mitoyenne, qui est plantée à cheval sur la limite entre deux propriétés.

Qui doit l'entretien d'une haie mitoyenne ?

L'entretien est à la charge des 2 parties : chacun doit tailler son côté de la haie. Il est évidemment conseillé de tailler les 2 côtés de la haie au même moment et à la bonne saison car la vie des arbres et arbustes en dépend.

Vous pouvez détruire la plantation mitoyenne jusqu'à la limite de votre propriété, à la condition de construire un mur sur cette limite (article 668 du Code civil).

Mur mitoyen : qui doit faire l'entretien du mur ?

Sauf urgence (si le mur menace de s'écrouler par exemple), la réparation d'un mur mitoyen se fait d'un commun accord entre les 2 propriétaires. Les travaux doivent toujours être décidés d'un commun accord entre vous et votre voisin. Cette obligation découle de l'article 655 du Code civil et concerne à la fois les travaux d'entretien et de reconstruction du mur mitoyen. Vous ne pouvez donc entreprendre seul les frais d'entretien du mur et présenter ensuite la facture à votre voisin. Ce dernier serait alors en droit de refuser leur remboursement.

Toutefois, en cas de désaccord sur l'opportunité des travaux ou sur leur coût, vous devrez mettre votre voisin en demeure de les exécuter par lettre recommandée avec accusé de réception. À défaut, saisissez le tribunal pour vous faire autoriser à les effectuer. Le partage des frais se fait en proportion des droits de chacun. Ainsi, si avec votre voisin vous êtes propriétaire en totalité du mur mitoyen, les dépenses d'entretien ou de réparation seront partagées par moitié.

Et si c'est le voisin qui dégrade le mur mitoyen : qui paie ?

Chaque propriétaire est responsable des dégradations qu'il cause au mur. En cas de litige, le propriétaire responsable pourra être condamné par le tribunal judiciaire à assumer seul les frais de remise en l'état.

Puis-je refuser que mon voisin passe chez moi pour réparer son mur ?

Vous devez lui laisser l’accès, mais sous certaines conditions. On parle de servitude du tour d'échelle. Pour que la servitude de tour d'échelle existe, trois conditions doivent être réunies :

  • les travaux à effectuer doivent être indispensables ;
  • ils ne peuvent être réalisés qu'à partir de la propriété voisine ;
  • ils ne doivent pas causer au voisin un préjudice important.

Il faut savoir en effet que la jurisprudence est assez stricte. Pour preuve, il semble qu'elle n'accorde cette servitude que pour des réparations sur des constructions existantes et non pour l'édification d'une construction nouvelle.

Peut-on construire un mur mitoyen en l'absence de séparation ?

Évidemment ! Deux propriétaires voisins peuvent décider de construire à frais communs une clôture assise sur la limite séparative de leurs terrains, elle deviendra mitoyenne. Le mur devra se positionner exactement sur la limite de propriété. Il sera probablement important de faire appel à un géomètre expert ou respecter le bornage s'il y en a un. Vous devez également vous mettre d'accord avec lui sur les modalités d'établissement de la clôture (hauteur, matériaux, répartition des frais...). Enfin, sachez que peut-être vous aurez une autorisation de travaux à déposer. Enfin, nous vous invitons à faire établir une convention de mitoyenneté devant notaire.

Et si le voisin ne veut pas de séparation ?

Attention ! Lorsque les terrains se trouvent en zone urbaine, votre voisin ne peut refuser cette proposition de clôture mitoyenne, c'est-à-dire à cheval sur votre terrain et le sien. L'article 663 du Code civil prévoit ce cas de « clôture forcée ».

Est-il possible d'acheter la mitoyenneté d'un mur ?

L'achat de la mitoyenneté est possible pour un mur qui se situe en limite de propriété à condition que le voisin en soit d'accord. Cette demande peut être faite à tout moment. Mais le voisin peut parfaitement refuser de vendre sa mitoyenneté. S'il est d'accord, ils se mettront d'accord sur le prix qui tiendra un compte aussi de la valeur du terrain, ils devront faire établir l'acte de mitoyenneté chez un notaire.

Est-il possible d'abandonner sa mitoyenneté ?

Il est en effet possible de renoncer à sa mitoyenneté (article 656 du Code civil). Le copropriétaire cède alors la totalité de la propriété à son voisin et se libère ainsi des obligations d'entretien et de réparation. Cette renonciation n'est pas possible quand le mur mitoyen est inclus dans une construction, le mur mitoyen soutient un bâtiment qui vous appartient ou si le mur retient ses terres ou celles de son voisin (mur de soutènement).

Si vous souhaitez abandonner la mitoyenneté du mur, prévenez votre voisin par lettre recommandée avec accusé de réception. Finalisez ensuite cet accord par un acte notarié qui sera publié aux services de publicité foncière (anciennement conservation des hypothèques) afin de le rendre opposable aux acquéreurs successifs du terrain. Une fois la mitoyenneté abandonnée, votre voisin devient pleinement propriétaire du mur. Vous ne pouvez donc plus l'utiliser ou y appuyer des constructions.

Si des travaux sont nécessaires par votre faute pour manque d'entretien, vous devez impérativement faire les travaux avant d'abandonner votre mitoyenneté.

À qui appartient un mur mitoyen ?

Au deux et pour moitié. On peut dire qu'ils sont copropriétaires. Ils sont ensemble propriétaires de l'ouvrage et doivent contribuer à frais partagés aux frais d'entretien et de réparation.


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