Crédit immobilier : comment fonctionne le taux d’usure ?

Pierre Chevillard
Mis à jour par
le 27 février 2023
Rédacteur en chef chez PAP.fr

Le taux annuel effectif global de votre prêt immobilier (TAEG), qui comprend le taux brut, l’assurance, les garanties et les frais annexes, ne doit jamais dépasser le taux d'usure. Comment ça marche ? Comment ce seuil infranchissable est-il calculé par la Banque de France ? Comment rester dans les clous pour obtenir votre financement ?

Si le TAEG est supérieur au taux d'usure, la banque n’a pas le droit d'accorder le crédit.
Si le TAEG est supérieur au taux d'usure, la banque n’a pas le droit d'accorder le crédit. © mapodile/Getty Images

Quelle est la définition du taux d'usure ?

C’est la loi. Le taux de votre prêt immobilier tout compris ne peut jamais dépasser un maximum dénommé taux d'usure ou taux de l'usure. Plus précisément, si votre Taux annuel effectif global (TAEG, qui comprend le taux brut, les garanties obligatoires, l’assurance et les frais annexes comme l'éventuelle commission du courtier) est supérieur à ce plafond légalement infranchissable, la banque n’a pas le droit de vous accorder le crédit. Cette mesure a été prise par les pouvoirs publics pour protéger les emprunteurs du surendettement et d’éventuels taux abusifs. Oui, mais voilà : certains particuliers a priori finançables peuvent se heurter à ce mur du taux d’usure, notamment pour des raisons de taux brut trop élevé ou d’assurance décès-invalidité trop chère. La question, c’est donc de savoir comment rester en dessous du taux d'usure pour décrocher votre financement. Et les solutions existent, comme le montre ce dossier !

Comment le taux d‘usure est-il calculé par la Banque de France ?

Le taux d'usure est fixé chaque trimestre. Pour le déterminer, la Banque de France, qui tient la calculette, reprend les taux effectifs des prêts immobiliers accordés au trimestre précédent. Sur cette base, elle calcule des moyennes et augmente les résultats obtenus d’un tiers. Les nouveaux taux d’usure sont publiés au Journal officiel à la fin d’un trimestre pour le trimestre suivant. Des chiffres qui varient selon les durées et les montants empruntés.

Le taux d'usure publié tous les mois au premier semestre 2023

Important : du 1er février au 1er juillet 2023, les taux d'usure sont publiés tous les mois, mais « ils resteront établis sur la base de la moyenne des taux pratiqués lors des trois mois précédents » indique la Banque de France dans un communiqué du 20 janvier 2023. Pourquoi une telle décision ? Face à la très rapide remontée des taux d'intérêt des prêts immobiliers, le taux d'usure était devenu trop bas et de nombreux dossiers de financement le dépassaient, ce qui est interdit (voir plus loin). Avec un réajustement mensuel, la marche sera moins haute et le marché immobilier devrait s'en trouver fluidifié.

Quel est le nouveau taux d'usure en mars 2023 ?

Février 2023 a marqué l'entrée en vigueur de la publication mensuelle du taux d'usure. Ce mois là, le taux d'usure s'est établi à 3,79 % pour les crédits immobiliers sur vingt ans et plus. Le nouveaux taux d'usure pour mars 2023 a été publié le 26 février 2023 au Journal Officiel. Comme on pouvait s'y attendre, il reflète la hausse des taux immobiliers observée entre fin 2022 et début 2023. Ainsi, pour mars 2023, le taux d'usure monte à 4 % pour les emprunts sur vingt ans et plus.

Quels sont les taux d'usure actuels, en mars 2023 ?

  • Crédits immobiliers à taux fixe de moins de dix ans : 3,67 %.
  • Crédits immobiliers à taux fixe entre dix ans et moins de vingt ans : 3,87 %.
  • Crédits immobiliers à taux fixe sur vingt ans et plus : 4 %.
  • Crédits immobiliers à taux révisable : 3,79 %.
  • Crédits relais : 4,11 %.

Dépasser le taux d'usure, c'est un délit !

Les férus de références juridiques et réglementaires noteront que le taux de l’usure est régi par les articles L 314-6 à L314-9 du Code de la consommation et l’article L 313-5-1 du Code monétaire et financier. Mais ce qu’il faut surtout savoir, c’est que les banques sont lourdement sanctionnées si elles accordent un crédit immobilier à un taux usuraire (qui dépasse le taux d’usure). Dans ce cas, il s’agit d’un délit passible de 300 000 € d’amende et/ou d’une peine de prison de deux ans, comme le précise l’article L341-50 du Code de la consommation !

Crédit immobilier : qu'est-ce qui rentre dans le taux d'usure ?

On l’a dit : le taux annuel effectif global (TAEG) de votre crédit immobilier ne doit pas dépasser le taux d’usure. Ce TAEG, qui s’exprime en pourcentage annuel du montant emprunté, se compose des éléments suivants :

  • Le taux d'intérêt brut ou taux nominal. Le plus souvent accordé à taux fixe, il est déterminé en fonction de la durée du crédit et de votre profil (âge, revenus, niveau d’apport personnel, etc.).
  • Les garanties du crédit. Votre emprunt peut être couvert par une hypothèque, un privilège de prêteur de deniers ou la caution d’une société spécialisée, lesquels ont un coût (comptez en moyenne 1 à 1,5 % du montant emprunté).
  • L’assurance décès-invalidité. Le tarif de cette protection varie en fonction du risque. Il est plus élevé pour les seniors ou les personnes malades, par exemple.
  • Les frais de dossier demandés par la banque. Ils varient selon les établissements et la complexité du projet.
  • Les frais versés à un intermédiaire. C'est la rémunération des courtiers lorsque vous faites appel à l’un de ces spécialistes du financement immobilier.
  • Les frais annexes. Il peut s’agir des frais d’ouverture de compte chez l’établissement prêteur ou encore d’éventuels frais d’évaluation du bien immobilier (source : ministère de l’Economie et des Finances).

Taux usuraire : prêt accepté ou refusé ?

Concrètement, la banque calcule le TAEG de votre emprunt en tenant compte de tous les éléments listés ci-dessus. Puis elle compare le résultat obtenu au taux d’usure déterminé par la Banque de France. Si votre TAEG est en dessous de ce taux d'usure, pas de problème : votre financement est accordé (à condition de respecter les autres critères de crédit immobilier, bien sûr). La banque édite l’offre de prêt. Vous n’avez plus qu’à la signer (après avoir respecté un délai de réflexion de dix jours) et votre projet immobilier suit son cours sans difficulté particulière. En revanche, si le TAEG de votre emprunt dépasse le taux de l’usure, les choses sont claires : la banque n’a absolument pas le droit de vous accorder votre crédit. Et vous n’aurez aucune possibilité de négociation.

Taux d’usure : quel est le problème pour les prêts immobiliers en 2023 ?

Dans des circonstances économiques et financières classiques, rester dans les clous est somme toute assez facile, le taux de l’usure étant largement supérieur aux taux effectif global des prêts immobiliers. En mai 2020, par exemple, la moyenne brute pour un emprunt sur vingt ans s’établit à 1,10 % selon l’Observatoire du financement Crédit Logement/CSA. En même temps, le taux de l’usure applicable pour cette même durée se chiffre à 2,51 %. Une marge de manœuvre suffisamment confortable pour faire passer le dossier de financement, à condition bien sûr de respecter les autres critères de prêt. Début 2023, la très rapide hausse des taux immobiliers bouleverse la problématique du taux d'usure.

Quand les taux remontent trop vite, ça coince...

Rappelons que le taux de l’usure est calculé par la Banque de France sur les crédits accordés le trimestre précédent, dont les taux ont été négociés bien avant. Compte tenu de la rapide remontée des taux immobiliers constatée depuis le printemps 2022, le taux de l’usure est trop bas. Au quatrième trimestre 2022, par exemple, il s’établissait à 2,68 % pour les crédits immobiliers sur vingt ans et plus. En même temps, certains particuliers se voyaient appliquer des taux bruts à 2,80 %, voire davantage sur cette durée. En ajoutant l’assurance, les garanties et les frais annexes, leur TAEG dépassait forcément le taux d’usure… Mais ça, c'était avant.

Taux d'usure : du mieux en mars 2023 !

La remontée du taux d'usure en mars 2023 redonne un peu d'air aux emprunteurs. On l'a dit : pour les prêts sur vingt ans et plus, il passe à 4 % en mars 2023 (nouvelle publication mensuelle). En même temps, les taux bruts (taux nominaux) sur ces mêmes durées tournent autour de 3,20 %. Un emprunteur qui décroche ce tarif sur vingt ans peut ajouter l'assurance, la garantie, les frais de dossier et les frais annexes tout en restant en dessous des 4 % du taux d'usure.

Important : la fixation mensuelle des taux d'usure entre le 1er février et le 1er juillet 2023 va permettre aux banque de s'adapter plus facilement à la remontée de leurs coûts de refinancement. Elles pourront augmenter leurs taux immobiliers tout en permettant à de nombreux emprunteurs de rester en dessous du taux d'usure.

Combien pouvez-vous emprunter en mars 2023 ?

Qui est pénalisé par le taux d'usure en 2023 ?

Les premiers concernés par la problématique du taux d'usure, ce sont les jeunes primo-accédants. Le plus souvent, ils empruntent sur vingt-cinq ans avec peu d’apport et leurs revenus restent limités. La banque considère ces dossiers comme plus risqués et leur applique un taux d'intérêt brut plus élevé. Selon les barèmes bancaires que nous avons consultés début 2023, un couple qui gagne moins de 50 000 € par an avec 10 % d'apport personnel (hors droits de mutation) se voit appliquer des taux bruts moyens de l'ordre de 3,30 à 3,40 % bruts sur vingt-cinq ans. Avec un taux d'usure à 4 % en mars 2023 pour les crédits sur vingt ans et plus, ils ont davantage de chances de voir leur dossier accepté.

Les seniors, l'assurance de prêt et le taux d'usure

Autre public visé par cette question du taux d'usure : les seniors et les personnes qui présentent un risque de santé. Pour eux, l’assurance du prêt est plus chère. Un exemple : pour un emprunteur de moins de trente-cinq ans non-fumeur et en pleine forme, elle tourne autour de 0,25 à 0,30 % du montant emprunté. Mais elle dépasse souvent les 0,45 à 0,50 % du montant emprunté au-delà de quarante-cinq ans, même pour ceux qui n'ont pas de problème de santé. Un niveau qui peut monter à 0,80 % du montant emprunté pour les plus de cinquante-cinq ans et/ou les personnes à risque de santé aggravé. Avec une assurance décès-invalidité payée au prix fort, le TAEG a de fortes chances de franchir le seuil du taux d'usure, conduisant au refus de crédit. L'assouplissement sur le taux d'usure de mars 2023 pourrait faciliter l'obtention de leur crédit immobilier.

Quand le taux d'usure freine l'investissement locatif...

Les investisseurs, eux aussi, peuvent être victimes du taux d'usure. Les banques considèrent l'investissement locatif comme plus risqué et appliquent à cette catégorie de prêts des taux plus élevés, de l'ordre de 0,10 à 0,20 % par rapport à un emprunt qui finance une résidence principale. Et les investisseurs paient leur assurance décès-invalidité plus cher puisqu'ils sont en général plus âgés que les accédants à la propriété. Des investisseurs de plus de quarante-cinq ans peuvent ainsi dépasser le taux d'usure malgré la qualité de leur dossier (bons revenus, apport personnel supérieur à 20 %, taux d'effort réduit, etc.). Là encore, le taux d'usure de mars 2023 pourrait arranger les choses. 

Crédit : comment rester en dessous du taux d’usure ?

Certains ménages évitent le mur du taux de l’usure. Il s’agit de ceux que les banques nomment « profils premium ». Ils gagnent très bien leur vie (au moins 80 000 € par an à deux), disposent d’un bel apport personnel et d’une solide épargne. Les banques leur accordent des taux bruts plus attractifs. Sur vingt ans, par exemple, ils empruntent à partir de 2,50 % (chiffres de fin février 2023). Avec ces tarifs exceptionnels, les banques fidélisent ces clients sur le long terme, une opération qu’elles rentabilisent en leur vendant des services (assurances, cartes de crédit) et des placements financiers qui leur offrent de belles marges. Mais attention : les emprunteurs aux profils plus classiques disposent eux aussi de solutions.

Négocier le taux du crédit

La première option pour ne pas dépasser le taux de l’usure, c’est de négocier le taux brut de votre crédit immobilier à la baisse. Plusieurs arguments peuvent pousser la banque à vous accorder un rabais sur son barème. Avec 20 % d’apport personnel, votre décote peut aller jusqu’à 10 points de base (0,10 %) par rapport au taux moyen. Si vous placez votre épargne chez la banque prêteuse, il est possible de gagner 5 à 10 points de base (0,05 à 0,10 %) sur le taux de départ. Idem si vous achetez des produits de placement et des services à la banque (elle ne peut rien vous imposer, la vente liée étant interdite).

Baisser les frais annexes

Vous pouvez négocier vos frais de dossier. Intégrés dans le TAEG, ils varient selon les établissements. Le plus souvent, la fourchette va de 0,30 à 1 % du montant emprunté, avec un minimum de 350 à 500 € (plus le dossier est complexe, plus les frais de dossier sont élevés). Certaines banques les réduiront si par exemple vous souscrivez leur assurance multirisque habitation. Attention toutefois : les banques sont actuellement moins enclines à négocier les frais de dossier. Par ailleurs, vous ne pourrez pas réduire le coût de la garantie, les tarifs de l’hypothèque, du privilège de prêteur de deniers ou de la caution étant fixés une fois pour toutes.

Opter pour un crédit révisable

Autre possibilité pour " faire passer " le dossier : choisir une autre catégorie de prêt, autrement dit emprunter à taux révisable. Leur taux d'usure pour mars 2023 est à 3,79 %, mais les révisables, indexés sur des indices financiers à court terme, affichent un taux brut inférieur à celui des emprunts à taux fixes, ce qui permet a priori de rester plus facilement en-dessous du taux d'usure. Mais attention : ce taux n'est valable que la première année. Il peut ensuite varier en fonction de l'indice financier de référence. Si ce dernier monte, le taux du révisable fait de même, augmentant la durée puis la mensualité. D'où un risque pour l'emprunteur... Pour plus de sécurité, mieux vaut opter pour un révisable capé, autrement dit plafonné à la hausse. Avec un cap de 1, par exemple, un révisable à 2,80 % bruts sur vingt ans ne dépassera pas 3,80 %. A noter : très peu de banques proposent ces crédits révisables.

Aujourd'hui, les crédits à taux fixe comptent pour 98,5 % du marché du financement immobilier selon la Banque de France.

L’assurance emprunteur : une solution pour contourner le taux d’usure ?

Le meilleur moyen de faire baisser le TAEG (donc de rester en dessous du taux d’usure), c’est d'opter pour la délégation de l'assurance décès-invalidité. Si vous souscrivez l'assurance de la banque qui vous accorde le crédit (on parle de contrat-groupe), le tarif tournera autour de 0,25 à 0,30 % du montant emprunté pour un ménage standard (et non-fumeur) de moins de trente-cinq ans. Si vous souscrivez un contrat proposé par une compagnie d'assurance indépendante de la banque prêteuse (délégation d'assurance), vous diviserez le tarif par deux pour ce même profil d'emprunteur. Dans ce cas, la délégation coûte dans les 0,12 à 0,15 % du capital emprunté. De quoi réajuster le TAEG à la baisse et éviter de passer le seuil du taux d'usure.

Coût du crédit : les limites de la délégation d'assurance

Attention : plus l’on monte en âge, plus le prix de l’assurance augmente. Le contrat groupe de la banque prêteuse, pour des emprunteurs de quarante-cinq ans, par exemple, va tourner dans les 0,45 à 0,50 % du capital emprunté. Et les plus de soixante ans monteront à 1 %, voire davantage. Là encore, la délégation est moins chère. Mais ce n'est pas toujours suffisant pour rester en dessous du taux d'usure. D'autant que les tarifs des délégations d'assurance ont augmenté ces derniers mois.

Banques et délégation d'assurance : la polémique

Beaucoup de banques ont tendance à freiner des quatre fers à l’idée de déléguer l’assurance. Leur contrat groupe leur offre en effet de grosses marges. D’autres sont plus conciliantes. Elles préfèrent lâcher du lest sur l’assurance pour garder un client à qui elles vendront par la suite services et placements. Certaines banques ont créé leur propre délégation. A peine plus chère que la délégation proposée par un assureur externe, elle reste moins onéreuse que le contrat groupe. Résultat : vous baissez votre TAEG. Conseil : abordez systématiquement ce point avec la banque ou le courtier pour choisir la meilleure solution.

Une solution risquée pour réduire le coût de l'assurance de prêt

Pour faire baisser le prix de l'assurance, vous pouvez jouer sur les quotités si vous empruntez à deux. Avec la couverture à 200 %, chaque membre du couple est couvert à 100 %. Si l’un d’entre vous ne peut plus travailler, l’assurance paie l’intégralité du prêt. C’est la formule la plus sûre, mais aussi la plus onéreuse. Avec une couverture à 100 %, chaque membre du couple est couvert à 50 %. Si l’un des deux ne peut plus payer, l’assurance prend sa part en charge et l’autre continue de rembourser. C’est moins cher, mais moins sécurisant. A vous de choisir en n’oubliant pas que réduire les garanties pour faire baisser le prix de l’assurance est plus risqué. Attention : certaines banques imposent la couverture à 200 %.

Taux d'usure : anticipez pour réussir à emprunter !

Le mieux, c’est de faire réaliser une étude de faisabilité pour l’assurance, par exemple auprès d’un courtier. Vous connaîtrez les garanties et surtout les prix, de quoi évaluer précisément votre TAEG. Mieux encore : préparez l’ensemble de votre financement quatre à cinq mois à l’avance. Vous purgerez vos comptes des découverts et des crédits conso, vous musclerez votre apport et votre épargne résiduelle (l'argent que vous garderez de côté hors apport). Faites également réaliser une étude d'assurance emprunteur pour connaître son tarif. Grâce à ce travail préliminaire, vous présenterez de solides arguments aux banques pour négocier un bon TAEG. C’est aussi l’occasion de plancher sur ces solutions qui vous permettent de rester en dessous du taux d’usure. Enfin, n'hésitez pas à tirer parti de la fixation mensuelle du taux d'usure entre le 1er février et le 1er juillet 2023.


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