L'expropriation pour cause d'utilité publique, comment ça marche ?
Que se passe-t-il quand l’État décide d'exproprier un propriétaire foncier ? Qu'est-ce que l'utilité publique ? Existe-t-il des recours ? De combien sera l'indemnisation ? Tout ce qu'il faut savoir sur l'expropriation.
Qu'est-ce que l'expropriation pour cause d'utilité publique ?
L'expropriation est un droit, pour l'État, d'obtenir le transfert, pour cause d'utilité publique, de la propriété d'un bien immobilier appartenant à un particulier au profit d'une personne publique, moyennant une juste et préalable indemnité.
L'expropriation est soumise au Code de l'expropriation
L'expropriation doit se combiner avec le droit de propriété auquel elle porte atteinte. En effet :
- l'article 17 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 affirme que « la propriété étant un droit inviolable et sacré, nul ne peut en être privé, si ce n'est lorsque la nécessité publique, légalement constatée, l'exige évidemment, et sous la condition d'une juste et préalable indemnité » ;
- l'article 545 du Code civil dispose : « Nul ne peut être contraint de céder sa propriété, si ce n'est pour cause d'utilité publique et moyennant une juste et préalable indemnité. »
En conséquence, l'expropriation :
- repose sur une procédure très encadrée, codifiée dans le Code de l'expropriation, dont le non-respect peut être sanctionné ;
- ne peut être poursuivie qu'en se fondant sur l'utilité publique ; le projet envisagé doit donc être d'intérêt général ;
- doit susciter une juste indemnisation ; les indemnités perçues par l'exproprié doivent compenser intégralement son préjudice.
L'expropriation ne doit pas être confondue avec des notions voisines
L'expropriation n'est pas à confondre avec les dispositifs juridiques suivants, ci-dessous.
👉 La nationalisation
La nationalisation concerne des biens meubles et incorporels, une entreprise par exemple.
👉 La réquisition
La réquisition ne porte que sur l'usage dun bien immobilier et n'aboutit pas à une dépossession du propriétaire.
👉 La confiscation
La confiscation est une sanction en matière de droit douanier qui prive le contrevenant de la propriété de marchandises importées/exportées illégalement ; la confiscation a une finalité répressive contrairement à l'expropriation ;
👉 Le droit de préemption
La préemption est un droit qu'exerce, par exemple, un locataire qui reçoit un congé en location vide. La préemption préserve la volonté de vendre du vendeur alors que l'expropriation permet de passer outre le refus de vendre.
👉 L'expulsion
L'expulsion est l'action qui vise à faire sortir une personne et d'évacuer un bien, y compris par la force, où elle se trouve sans droit ni titre. L'expulsion peut par exemple concerner un locataire en situation d'impayés de loyers.
Quelles sont les conditions de l'expropriation ?
Qui peut exproprier ?
- LÉtat
- Les collectivités territoriales (régions, départements, communes)
- Les personnes de droit privé assumant un service public
- Les organismes de droit privé poursuivant un but d'utilité publique
👉 La personne à l'origine de l'expropriation est appelée l'expropriant et celle qui la subit, l'exproprié.
Est-ce que la mairie peut exproprier ?
Une mairie peut, lorsqu'elle a besoin d'un bien immobilier pour réaliser un projet d'intérêt général, exercer son droit de préemption lors d'une vente (c'est l'objet de la Déclaration d'intention d'aliéner) ou rechercher une vente amiable dans le cadre d'une négociation avec un particulier. Si besoin, elle peut également recourir, via l'État, à l'expropriation pour cause d'utilité publique.
Qu'est-ce que l'utilité publique ?
La notion d'utilité publique n'est pas déterminée de manière précise par la loi. C'est la jurisprudence qui a, au coup par coup, reconnu tel ou tel projet comme étant d'utilité publique. De là se dessinent les contours de cette notion d'utilité publique. Ont été reconnues d'utilité publique les opérations effectuées dans les domaines suivants :
- la construction de logements ;
- lhygiène ;
- lurbanisme ;
- la culture ;
- la santé publique ;
- les sports ;
- le tourisme ;
- la défense de l'environnement ;
- la recherche scientifique ;
- la défense nationale ;
- la construction d'une centrale nucléaire ou l'augmentation de capacité d'un aérodrome.
👉 L'utilité publique du projet doit toutefois être prouvée pour qu'il y ait expropriation. Le Conseil d'État apprécie cette notion d'utilité publique en utilisant la méthode du « bilan coût avantages ».
Selon le Conseil d'État, pour que le projet soit d'utilité publique, il faut que l'atteinte à la propriété privée, que le coût financier, les inconvénients d'ordre social ou l'atteinte à d'autres intérêts publics qu'entraîne l'opération « ne soient pas excessifs au vu de l'intérêt qu'elle présente » (Conseil d'État, ass. 28 mai 1971, Ville nouvelle Est).
🙋♀️ Le bilan doit donc être positif pour que l'utilité publique du projet soit reconnue. Lorsque le bilan est négatif, le juge annule la DUP (Déclaration d'utilité publique). C'est par exemple ce qui s'est passé pour un certain nombre de grands projets d'aménagement : une ligne ferroviaire à grande vitesse, une autoroute, un barrage, une ligne électrique, un boulevard urbain et restructuration d'une entrée d'agglomération n'ont pas été considérés d'une utilité publique suffisante pour justifier l'expropriation.
La procédure d'expropriation
👉 L'enquête d'utilité publique
Pour apprécier l'utilité publique d'une opération, l'État doit effectuer une enquête publique. Le préfet prescrit un arrêté ouvrant l'enquête publique, précisant son objet, sa durée, les heures et le lieu où le public pourra prendre connaissance du dossier et formuler ses observations. Un avis au public faisant connaître l'ouverture de l'enquête est publié au moins huit jours avant son début, dans deux journaux locaux. Des affiches doivent également être placées dans toutes les communes concernées par l'opération, annonçant l'enquête. Un commissaire enquêteur est désigné afin de superviser l'enquête, et de transmettre, après sa clôture, ses conclusions, favorables ou non, au préfet ou au sous-préfet.
👉 L'enquête parcellaire du préfet
Une enquête parcellaire, d'une durée minimale de quinze jours, est mise en place par le préfet afin de connaître avec précision tous les immeubles concernés et leurs propriétaires, qui pourront, en retour, formuler certaines demandes auprès des autorités administratives ainsi que leurs observations. Chaque propriétaire sera averti de l'existence de cette enquête par lettre recommandée avec demande d'avis de réception. À la suite de l'enquête parcellaire, le préfet détermine par arrêté de cessibilité la liste des parcelles ou des droits réels immobiliers qui devront faire l'objet d'une expropriation.
👉 La déclaration d'utilité publique (DUP)
L'autorité administrative rend un décret ou un arrêté par lequel elle déclare l'utilité publique et l'expropriation nécessaire. Elle précise aussi le délai pendant lequel l'expropriation doit être effectuée. En général, celle-ci doit être réalisée avant cinq ans.
👉 Les recours contre la DUP
Pour contester la déclaration d'utilité publique, un recours pour excès de pouvoir doit être intenté devant les autorités administratives. Devant le Conseil d'État, si l'utilité publique a été prononcée par décret et devant le tribunal administratif du lieu de situation de l'immeuble en cas d'arrêté ministériel ou préfectoral.
La phase judiciaire de l'expropriation
L'hypothèse d'une vente à l'amiable, préalable à la phase judiciaire
Avant que le juge soit saisi, vous pouvez bien entendu céder votre bien à l'État, dans le cadre d'une vente classique, à l'amiable, fondée sur les règles du Code civil et vous signerez alors un acte authentique chez un notaire.
🙋♀️ Un accord à l'amiable est toujours recherché par l'Etat. La cession à l'amiable peut intervenir avant comme après la déclaration d'utilité publique. Si cela n'intervient pas, le préfet saisira le juge de l'expropriation.
L'ordonnance d'expropriation
C'est le juge du tribunal judiciaire qui a la fonction de juge de l'expropriation. Au terme de la procédure, le juge déclare, par ordonnance, l'expropriation des immeubles qui sont visés dans l'arrêté de cessibilité, en précisant le nom de leurs propriétaires. L'effet de cette ordonnance est de transférer la propriété des biens visés à l'État ou à la collectivité. L'ordonnance doit être notifiée à chacun des expropriés. Elle peut faire l'objet d'un recours devant la Cour de cassation dans un délai de deux mois à compter de sa notification. À partir de la notification de l'ordonnance, l'exproprié ne peut plus vendre son bien, ni l'hypothéquer, ni le donner.
Quelle indemnisation en cas d'expropriation ?
👉 Le principe de l'indemnité
Le fait d'être exproprié vous donne droit à une indemnisation dite « juste et préalable ». L'indemnité que le juge alloue doit couvrir « l'intégralité du préjudice direct, matériel et certain causé par l'expropriation ». L'exproprié doit pouvoir, grâce à cette indemnité, se retrouver dans un état matériel semblable ; il doit être en mesure d'acquérir un nouveau bien équivalent à celui qu'il a perdu. Seul le préjudice direct est indemnisé. Sont considérés comme préjudices indirects :
- les charges d'emprunts, d'intérêts ou d'impôts ;
- les recherches de nouveaux logements, dépôts de garantie, avances de loyers ;
- la perte de valeur de revente ;
- les frais engendrés lors de la réinstallation et dus en vertu d'une obligation légale extérieure à l'expropriation ;
- les dommages de travaux publics.
👉 Le calcul de l'indemnité
C'est donc le juge de l'expropriation qui fixe le montant de l'indemnisation. L'indemnisation est calculée au jour du transfert de propriété et se fonde sur les prix du marché local de l'immobilier. L'indemnité doit correspondre à la valeur vénale du bien sur le marché, c'est-à-dire à la somme qu'en aurait perçue le propriétaire en cas de vente de son bien dans des conditions normales, entre particuliers par exemple.
L'éventuelle plus-value réalisée est taxée comme leur d'une vente, sauf remploi dans les douze mois pour l'acquisition d'un bien immobilier.
👉 La réévaluation de l'indemnité
Une réévaluation de l'indemnité peut être demandée par l'exproprié si, dans un délai d'un an à compter de la décision de justice ayant fixé le montant de l'indemnité, celle-ci n'a toujours pas été payée. La réévaluation est alors fondée sur la valeur vénale du bien au jour de la nouvelle instance.
Comment empêcher une expropriation ?
Contester le principe de l'expropriation
Pour empêcher une expropriation, il faut engager un recours pour excès de pouvoir contre la déclaration d'utilité publique (DUP) dans les deux mois de sa publication ; le recours à un avocat spécialisé est indispensable.
👉 Saisi, le Conseil d'Etat doit vérifier :
- que l'expropriation répond à un objectif d'intérêt général ;
- que l'objectif ne peut pas être atteint sans recourir à l'expropriation ;
- que les atteintes à la propriété privée, le coût financier et les inconvénients d'ordre social ou économique que comporte l'opération envisagée ne sont excessifs comparé à l'intérêt qu'elle présente.
👉 La justice peut alors décider :
- l'annulation de la DUP ;
- de consacrer le bien-fondé de la DUP. Dans cette hypothèse, l'expropriation est sur des rails mais le montant des indemnités peut encore être contesté.
Contester le montant des indemnités
Il est fréquent que l'exproprié juge les indemnités proposées par l'expropriant insuffisantes. Si la négociation échoue, l'exproprié peut saisir le juge judiciaire pour espérer voir les indemnités rehaussées. Le juge peut alors :
- donner raison au particulier. Dans une décision du 11 janvier 2023, la Cour de cassation décide que l'administration ne peut pas appliquer de décote sur la valeur vénale dans bien squatté puisque ne pèse pas dans cette hypothèse sur l'expropriant d'obligation de relogement ;
- donner raison à l'administration. Dans une autre décision du 11 janvier 2023, la Cour de cassation décide que « lorsque l'expropriation porte sur une habitation principale ne répondant pas aux critères du logement décent que le bailleur est tenu de délivrer à son preneur, le propriétaire exproprié ne peut se prévaloir d'un droit juridiquement protégé à l'indemnisation de la perte de revenus locatifs. ».
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