Fiscalité des meublés de tourisme : à la recherche de l’imposition perdue

Laurent Lamielle
Publié par Laurent Lamielle
le 11 juillet 2024
Juriste chez PAP.fr

Par une décision du 8 juillet 2024, le Conseil d’État juge que le gouvernement ne pouvait pas maintenir la « niche fiscale » de la location touristique au mépris de la loi. Le mystère entourant l’imposition des revenus locatifs 2024 et 2025 demeure…

La saga de l’imposition des revenus locatifs issus des locations saisonnières se poursuit.
La saga de l’imposition des revenus locatifs issus des locations saisonnières se poursuit. © SollinaImages/GettyImages

Énième rebondissement dans la saga de l’imposition des revenus locatifs tirés des locations saisonnières : dans une décision du 8 juillet 2024, le Conseil d’État décide que le gouvernement n’avait pas le droit de maintenir de son propre chef la fiscalité avantageuse qui existait pour les meublés de tourisme alors que la loi avait été modifiée par le parlement. Si les revenus 2023 ne sont pas concernés, ceux de 2024 devraient l’être et leur fiscalité deviendrait moins avantageuse.

Revenus locatifs 2023 : la niche fiscale maintenue malgré tout !

La loi de finances pour 2024 contient une réforme de la fiscalité des meublés de tourisme qui aboutit à un alourdissement de l’imposition des revenus locatifs tirés des locations saisonnières touristiques. En pratique, l'abattement dont bénéficient les particuliers est ramené de 50 % à 30 % et l'abaissement des seuils de loyers perçus aboutit à ce que beaucoup plus de contribuables doivent déclarer au réel, régime déclaratif complexe et nécessitant de recourir à un comptable. Or, cette réforme devait s’appliquer aux revenus perçus en 2023 et déclarés au printemps 2024.

❌ Le Conseil d’État désavoue le gouvernement

Cette réforme, adoptée via la procédure du « 49-3 », a été jugée trop sévère et problématique par le gouvernement. En raison de son caractère rétroactif, elle oblige des contribuables à passer du régime des microentreprises à un régime réel d’imposition, nécessitant une reconstitution de comptabilité pour 2023. En conséquence, des particuliers se trouvent imposés au réel sans avoir pu l’anticiper, ce qui est complexe et nécessite l’aide d’un comptable.

Toutefois, « afin de limiter les conséquences d’une application rétroactive de cette mesure », le gouvernement a donc décidé d’admettre que les contribuables puissent continuer à appliquer aux revenus de 2023 les règles fiscales dans leur version antérieure à la loi de finances. Une publication au Bulletin officiel des finances publiques – Impôts (Bofip) du 14 février 2024 en ce sens est donc venu contrer les effets de la réforme.

Furieux du procédé jugé illégal et anti démocratique, deux sénateurs ont décidé de contester en justice la décision de l’administration. Le Conseil d’Etat leur donne raison le 8 juillet 2024 en décidant l’annulation de la possibilité d’appliquer les règles antérieures ; pour le Conseil d’Etat, « l’administration a incompétemment ajouté à la loi ».

👉 Cette décision du Conseil d’État est sans effet sur l'imposition des revenus 2023

Si le coup est rude, il ne devrait pas concerner les revenus perçus en 2023 ; les particuliers qui ont loué l'année passée des meublés de tourisme bénéficieront bien d'un abattement de 50 % comme précédemment. Aucune mauvaise surprise ne devrait être découverte lors de l'arrivée des avis d'imposition ! La décision du Conseil d’État ne devrait en effet pas être rétroactive et ceux qui ont déjà déclaré leurs revenus ne devraient pas subir les effets collatéraux de cette déconvenue gouvernementale !

💰 Exemple de calcul de l'impôt

Un particulier loue les deux mois d'été sa villa meublée non classée. Revenus locatifs : 16 000 €/an.

Année Revenus locatifs Base imposable (%) Base imposable (€)
2023 16 000 €/an 50 8 000
2024 16 000 €/an Régime réel Comptable requis

Revenus 2024 : la niche fiscale des meublés de tourisme rabotée ?

Si la décision du Conseil d’État n’a pas d’incidence sur l’imposition des revenus 2023, elle en a sur les revenus perçus en cette année 2024. En effet, la décision rendue empêche toute nouvelle mesure de contournement autre que législative. C’est donc bien, sauf réforme fiscale adoptée d’ici fin 2024, les règles issues de la loi de finances pour 2024 qui devraient s’appliquer à ceux qui louent actuellement des locations saisonnières touristiques. Ces règles sont les suivantes, comparées aux anciennes.

Imposition des loyers des meublés de tourisme

Revenus Chambre d’hôtes Meublé/Gîte rural classé Meublé/Gîte non classé
2023 71 % (188 700 €/an) 71 % (188 700 €/an) 50 % (77 700 €/an)
2024 71 % (188 700 €/an) 71 % et 92 % en zone « détendue » (188 700 €/an) 30 % (15 000 €/an)

🙋‍♀️ La majeure partie des propriétaires mettant en location des logements non classés, la plupart des contribuables verront l'avantage fiscal diminuer et la déclaration se complexifier. En effet :

  1. au forfait, l'abattement est réduit de 20 points pour être ramené de 50 à 30 % ;
  2. les propriétaires qui génèrent plus de 15 000 € de loyers dans l'année (contre 77 700 € auparavant) devront déclarer au réel. Les bailleurs concernés doivent consulter un comptable dès maintenant pour comprendre les implications du régime réel, ses avantages et ses inconvénients.

💰 Exemple de calcul de l'impôt

Un particulier loue les deux mois d'été son studio meublé non classé. Revenus locatifs : 5 600 €/an.

Année Revenus locatifs Base imposable (%) Base imposable (€)
2023 5 600 €/an 50 2 800
2024 5 600 €/an 70 3 920

Imposition des revenus 2025 : le grand flou

Sauf changement, les revenus tirés de la location de meublés de tourisme devraient, en 2024 puis en 2025, être imposés selon les règles issues de la loi de finances pour 2024. Toutefois, cette probabilité est fragile tant la possibilité d'un changement est grande. Ainsi, juste avant la dissolution, une proposition de loi transpartisane en fin d'examen prévoyait de changer encore la fiscalité des locations saisonnières avec un nouvel alourdissement de l'impôt ; l'abattement devait ainsi être ramené, pour les meublés classés, de 71 à 50 %, l’abattement restant à 30 % pour les meublés de tourisme non classés.

👉 Les évolutions de la fiscalité des meublés de tourisme dépendront des orientations prises par le futur gouvernement. Reste que beaucoup d'élus veulent durcir une fiscalité trop avantageuse et aux effets pervers.

Fiscalité des meublés de tourisme : un levier contre la crise du logement ?

Pour comprendre les vicissitudes de la fiscalité de la location de meublés de tourisme, il faut réaliser à quel point sont violents et criants les effets pervers de leur essor anarchique. On déplore :

  • concurrence déloyale à l’hôtellerie et à l’hébergement touristique professionnel ;
  • tensions accrues dans les copropriétés dues aux troubles de voisinage ;
  • sentiment régionaliste accru et impossibilité pour certains d'« habiter au pays », comme au Pays basque ;
  • frein au développement économique, les entreprises peinant à recruter en raison des loyers élevés près des zones d’activités ;
  • aggravation de la crise du logement avec une diminution des surfaces disponibles pour étudiants, travailleurs et familles ;
  • quartiers transformés en zones touristiques, entraînant des fermetures de classes et des commerces inadaptés aux locaux.

👉 Les effets néfastes de l’explosion des locations touristiques sont au cœur des débats politiques et économiques. Communes et intercommunalités réclament une réglementation pour réduire l’offre touristique et favoriser la location à l’année. De nombreuses villes mettent en place la télédéclaration des meublés de tourisme et le mécanisme de « compensation » pour créer de nouveaux logements. Cependant, ces mesures restent insuffisantes en raison de la fiscalité attractive des meublés de tourisme et de leur haute rentabilité (voir l'ampleur de la location pendant les JO). Pour cette raison, la réduction de l’avantage fiscal des meublés de tourisme est discutée depuis plus d’un an.

Un outil pour réguler les marchés immobiliers locaux ?

La fiscalité des résidences secondaires peut-elle être vraiment un outil de régulation des marchés immobiliers locaux ? Très probablement un peu, mais très probablement à la marge. Lutter contre la crise du logement nécessite surtout de :

  • construire de nouveaux logements : long, complexe et coûteux ;
  • mobiliser les logements vacants : un casse-tête juridique ;
  • rénover les logements vétustes et transformer des bureaux : également long, complexe et coûteux.

En conséquence, utiliser le levier de fiscalité ne suffira bien évidemment pas à résoudre la crise du logement.

🙋‍♀️ Par ailleurs, les contraintes pesant sur la location classique, comme l'encadrement des loyers, le permis de louer ou la lutte contre les passoires énergétiques, ont détourné certains bailleurs que la hausse de la fiscalité des meublés de tourisme ne suffira sans doute pas à faire revenir dans le giron de la location à l'année...

Sources :


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