Crédit immobilier : la vérité sur l’incroyable baisse des taux
Baisse record des taux d’intérêt, critères d’emprunt plus souples, banques qui veulent prêter : début 2021, la météo du crédit immobilier est plutôt dégagée. Pourquoi cette conjoncture est-elle favorable ? L'emprunt est-il ouvert à tous ? Comment en profiter pour financer un logement ? Analyse et conseils.
Bon marché, les taux immobiliers ? Et comment ! Daprès les barèmes des banques transmis aux courtiers, la moyenne brute hors assurances sur vingt ans (la durée la plus souvent rencontrée) tombe à 1,10 % en février 2021, égalant le plancher record de la fin 2019. Mieux : ceux qui présentent un bon dossier (de lapport, de lépargne résiduelle, de solides revenus, etc.) empruntent actuellement, sur cette même durée, à 0,80 %. Mieux encore : certains très beaux profils, toujours sur vingt ans, peuvent descendre à 0,60 % brut. Dans ce dernier cas, la banque ne gagne pas dargent sur ce crédit immobilier ! Ceux qui souscrivent un prêt sur vingt-cinq ans sont eux aussi logés à belle enseigne, avec une moyenne à 1,40 % brut. Quant aux emprunts sur dix ans, leur moyenne brute est à 0,75%, les meilleurs profils décrochant du 0,35 % brut. Pour ces derniers, largent est quasiment gratuit !
Février 2021 : le crédit et les taux immobiliers en bref
- Les taux dintérêt égalent leurs planchers records de la fin 2019.
- Les banques cherchent des emprunteurs et desserrent certains critères.
- Apport, durée, taux deffort : des conditions qui sassouplissent.
- Avec la crise, les banques restent prudentes sur les profils demprunteurs.
- Pour emprunter, mieux vaut réaliser une étude de faisabilité en amont.
Des banques conquérantes. Pourquoi cette dégringolade ? Tout simplement parce que les banques veulent prêter. « Elles affichent dambitieux objectifs commerciaux pour 2021 et cherchent activement à développer leur portefeuille de clientèle », révèle Maël Bernier, directrice de la communication du courtier Meilleurtaux.com. « Mais avec la crise, le marché est devenu plus étroit. Du coup, elles font feu de tout bois pour attirer ces nouveaux clients quitte à baisser les tarifs de leurs prêts immobiliers. » Avec la politique accommodante de la Banque centrale européenne (BCE), faites de liquidités surabondantes et quasi gratuites, les établissements financiers ont les moyens d'appliquer cette stratégie agressive.
Lemprunteur, un super placement. Lattitude des banques tient au fait que lemprunteur, de leur point de vue, constitue un bon placement : un crédit à 1,10 % leur rapporte 1,10 %. Un excellent niveau comparé aux taux négatifs des bons du Trésor. Bonus : « les banques rentabilisent lopération en vendant à lemprunteur des assurances, des placements, des services dans le cadre dune relation de long terme », explique Sandrine Allonier, directrice de la communication du courtier Vousfinancer. Le tout se fait quasiment sans risque. Selon lAutorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR), le superviseur des banques, le taux de défaut sur lencours de crédit, en rythme annuel, tourne autour de 0,75 %, lun des plus bas niveaux du Vieux Continent.
Les taux immobiliers au 10 février 2021
- 7 ans : de 0,25 à 1,70 %. Moyenne à 0,70 %.
- 10 ans : de 0,35 à 1,75 %. Moyenne à 0,75 %.
- 15 ans : de 0,55 à 1,95 %. Moyenne à 0,95 %.
- 20 ans : de 0,60 à 2,20 %. Moyenne à 1,10 %.
- 25 ans : de 0,70 à 2,35 %. Moyenne à 1,40 %.
Source : Empruntis, Cafpi, Meilleurtaux, Vousfinancer au 10 février 2021. Présentés à titre indicatif, ces taux bruts ne comprennent pas lassurance et les garanties. Chaque banque attribue un taux au cas par cas, en tenant compte de votre profil demprunteur et des caractéristiques de votre projet immobilier. Ce quil faut retenir : plus le risque est important, plus le taux monte (cest pour cette raison que les longues durées sont plus chères).
Le crédit un peu plus facile. Les banques disposent dautres moyens pour séduire les emprunteurs. Fin décembre 2020, le Haut Conseil de stabilité financière (HCSF), le gendarme du crédit, desserre un peu la vis sur les conditions de crédit. Le taux deffort maximal (part des revenus consacrée à la mensualité) passe de 33 à 35 %. La durée plafond sétablit à vingt-sept ans en 2021, contre vingt-cinq ans en 2020. Et les banques peuvent déroger à ces règles dans 20 % des cas (15 % en 2020). « Lapplication des recommandations du HCSF prend souvent du temps mais en 2021, les banques souhaitent aller plus vite et plusieurs dentre elles les ont déjà mises en application », indique Pierre Chapon, le président du courtier Pretto.
Une capacité demprunt en hausse. Résultat : une hausse de la capacité demprunt. « Un couple qui gagne 5 000 € par mois et emprunte à 1,30 % sur vingt-cinq ans dispose de 21 000 € de plus et même de 50 000 € supplémentaires s'il opte pour un logement neuf », calcule Ludovic Huzieux, co-fondateur dArtemis Courtage. Dans le neuf, porter la durée de vingt-cinq à vingt-sept ans permet de mieux tenir compte du différé damortissement lié au temps de chantier, ce qui augmente le montant emprunté à mensualité équivalente. Plus précisément, la durée maximale atteint vingt-cinq ans plus deux ans pour les travaux en 2021, contre vingt-trois ans plus les deux ans de chantier en 2020.
Apport personnel : détente en vue
Les banques plus souples. Autre nouveauté par rapport à 2020 : les banques sont désormais un peu moins raides sur lapport personnel. Selon les courtiers, il redevient possible, dans certains cas, demprunter avec seulement 5 % de fonds propres hors frais de notaire alors que lan dernier, un minimum de 10 % était quasi systématiquement exigé. « Aujourdhui, pour de très bons dossiers, on recommence même à trouver des prêts immobiliers à 110 %, qui financent le bien et les frais de notaire », confie Sylvain Lefèvre, le président de La Centrale de Financement. En 2020, ces formules avaient quasiment disparu, compliquant les projets de certains primo-accédants ou investisseurs en locatif.
Fonds propres bienvenus. Pour autant, mieux vaut respecter lun des principes du financement immobilier : plus lapport augmente, meilleures sont les conditions de crédit. Il faut plus de 20 % dapport hors frais de notaire pour emprunter à moins de 1 % brut sur vingt ans. Et placer 10 % dapport toujours hors frais annexes facilite grandement lobtention du prêt. « Lapport réduit le risque : il prouve que lemprunteur est bon gestionnaire, le crédit est moins important et/ou plus court doù un taux plus bas. Surtout, le prêt ne couvre pas toute la dette immobilière, ce qui permet de rembourser la banque en cas de revente avec une décote », analyse Didier Laporte, dirigeant dUniversal Broker Service.
Le crédit nest plus réservé aux excellents dossiers
Un panel demprunteurs plus fourni. Ces conditions moins strictes montrent que les banques, en 2021, ne se limitent pas aux meilleurs profils, ces ménages à hauts revenus disposant dun solide patrimoine et dun apport conséquent. « Depuis le mois de décembre, on note un élargissement de la cible des emprunteurs, qui ne sont pas forcément ceux qui ont les salaires les plus élevés. En février 2021, ce mouvement se poursuit, ce qui booste une demande de crédit soutenue en ce début dannée », confirme Julie Bachet, directrice générale de Vousfinancer. Une tendance confirmée par le courtier Cafpi, qui observe depuis plusieurs semaines « un retour des primo-accédants et des investisseurs en locatif sur le marché. »
Linvestissement mieux placé. Les investisseurs, justement. En 2020, nombre dentre eux nont pas pu financer leur projet, la faute au plafonnement du taux deffort à 33 %. En 2021, le passage à 35 % va leur faire du bien. Dautant que lorsquune banque décide de conquérir un investisseur, elle peut se montrer plus souple, en intégrant par exemple 80 à 90 % des loyers dans la capacité dendettement contre 70 % habituellement. Pour autant, elles restent strictes. Elles demandent aux investisseurs 10 % dapport au minimum, plafonnent la durée à vingt ans, imposent une marge de manuvre financière pour faire face aux imprévus. Et elles passent le logement, le quartier, la demande locative et le marché de la revente au crible.
Les banques ne prêtent quaux bons gestionnaires
Des finances personnelles nickel. Crise oblige, cette vigilance renforcée des banques porte sur tous les types de projets immobiliers. Au-delà de lapport personnel, de la durée ou du taux deffort, elles décortiquent la situation financière de lemprunteur. « La gestion des comptes doit être irréprochable, sans découverts ni incidents de paiement et le nombre de crédits à la consommation doit être limité au minimum indispensable comme la voiture », alerte Frank Roullier, directeur général dEmpruntis. Les banques examinent aussi les dépenses et des flux inhabituels venus de létranger pourront motiver un refus de crédit, les banques détestant les jeux en ligne, source dinsécurité, de risque.
Crédit, reste à vivre et saut de charges. Dautres critères doivent être pris en compte pour décrocher un prêt. Le reste à vivre, par exemple, doit être suffisant. Cette somme, cest ce quil reste à lemprunteur une fois la mensualité acquittée. Elle représente le plus souvent 1 500 € par mois pour un couple plus 400 à 500 € par enfant à charge. Certains établissements y placent les impôts, dautre pas. Mieux vaut se renseigner avant de se lancer pour faire les bons calculs. Les locataires accédants, eux, doivent être attentifs au saut de charges. « Cette différence entre lactuel loyer et la future mensualité doit rester raisonnable, sans quoi les banques refusent le crédit », indique Philippe Taboret, directeur général adjoint de Cafpi.
Situation professionnelle : un vrai critère demprunt
Sécuriser les remboursements. Les banques donnent la priorité aux fonctionnaires et aux CDI. Elles examinent aussi le secteur dactivité de lemprunteur. « Si lentreprise est touchée par la crise, lobtention du prêt sera plus difficile » prévient Maël Bernier. « En cas de chômage partiel, les banques sassureront de la solidité de lemployeur et demanderont un certificat attestant de la reprise du travail pour accorder le prêt. » Lemployabilité (capacité à retrouver un emploi) « constitue un plus », note la directrice de la communication de Meilleurtaux.com. Et dajouter : « rien nest perdu pour les indépendants si leurs revenus sont stables sur les trois dernières années, sils ont de lapport et un minimum de patrimoine ».
Prêt immobilier et garanties. Les banques tiquent face aux plans de financement trop tendus. Elles demandent une marge de manuvre égale à trois ou mieux encore six mois de mensualités. Un emprunteur qui peut mettre de largent de côté pendant ses remboursements sera privilégié, notamment sil place ces économies chez le prêteur. « La qualité du bien, sa performance énergétique, sont examinées par les banques, qui anticipent les obligations futures de rénovation », précise Sylvain Lefèvre. « Elles veillent aussi à lemplacement et à la profondeur du marché à la revente pour limiter les risques de décote en cas de vente contrainte pour cause de chômage, par exemple. »
Crédit : ce qui sest passé en janvier 2021
Tous les mois (et de façon très détaillée tous les trimestres), lObservatoire du financement Crédit Logement/CSA décortique le marché des prêts immobiliers. Dans la dernière étude, publiée le 2 février 2021, nous avons relevé trois tendances marquantes sur les prêts accordés en janvier.
- Le taux brut moyen toutes durées confondues sétablit à 1,17 %, un niveau stable par rapport à décembre mais en recul de dix points de base au second semestre 2020. Il faut revenir à début 2016 pour voir cette moyenne brute dépasser les 2 %.
- La durée moyenne sétablit à 227 mois. 53 % des emprunts sont accordés sur une durée de plus de vingt ans et vingt-cinq ans, contre 48,7 % en 2020. Pour soutenir la demande, les banques allongent les durées en restant en dessous de la limite des vingt-cinq ans.
- Lapport personnel, en rythme annuel, augmente de 10,6 % en janvier 2021, après une progression de 10,2 % en 2020. Les banques, sur les dossiers récemment conclus restent exigeantes, la présence dapport sécurisant les crédits immobiliers.
Financement immobilier : que peut-on négocier ?
Marge de manuvre. Côté taux, on la vu, la négociation pour décrocher une décote est possible pour ceux qui affichent un beau profil. Pour les autres, cest un peu moins facile. « Il ne faut pas oublier que sur ce point, les emprunteurs standard bénéficient de très bonnes conditions », tempère Ludovic Huzieux. Côté frais de dossier, la négociation nest pas évidente. Les banques les ont relevés lan dernier et ils oscillent, selon la complexité du projet, entre 500 et 3 000 €. Pour les banques, cest une source de marge et elles rechignent à lâcher du lest. Lemprunteur avisé a intérêt à ne pas trop insister : ce serait dommage de faire capoter lopération pour grappiller quelques centaines deuros
Et lassurance de prêt ? Grâce à la loi Lagarde de 2010, lemprunteur peut choisir une autre assurance décès-invalidité que celle de la banque prêteuse. A la clé : un tarif divisé par deux, voire par trois. Si certains prêteurs acceptent la délégation, d'autres trainent des pieds, ce produit étant pour eux source de marge. Quelques banques ont monté leur propre délégation. Moins chères que les contrats groupe, ces assurances déléguées leur permettent de conquérir un client sûr et rentable en gardant de la marge. Reste un problème : « en 2021, le HCSF impose aux banques dintégrer systématiquement lassurance décès-invalidité dans le taux deffort alors quen 2020 elles étaient libres de le faire ou pas. Ce changement peut réduire les moyens des emprunteurs », pointe Didier Laporte.
Polémique sur lassurance emprunteur
Nouvelle donne. En 2020, exclure lassurance décès-invalidité du taux deffort permettait de préserver la capacité demprunt tout en restant en dessous du plafond de lépoque (33 %). Dans le même temps, « les banques pouvaient facturer cette assurance au prix fort puisquelle ne rentrait pas dans le taux deffort », explique Astrid Cousin, porte-parole du comparateur Magnolia.fr. Aujourdhui, cest fini. Mais certains emprunteurs peuvent pâtir de cette nouvelle donne. Souvent, en effet, les banques imposent leur propre assurance (contrat groupe). Mais elle vaut bien plus cher que la délégation. Du coup, le plafond des 35 % de taux deffort peut être dépassé. Et lemprunteur risque de voir son dossier rejeté.
Rester dans les clous du taux d'effort. Magnolia.fr prend pour exemple un couple de 35 ans qui gagne 4 500 € net par mois et qui emprunte 380 000 € à 1,40 % sur vingt-cinq ans. Si la banque impose son contrat groupe au tarif de 0,36 % du montant emprunté, la mensualité atteint 1 615 € et le taux deffort grimpe à 36 %. Avec une assurance déléguée à 0,11 %, la mensualité retombe à 1 536 €, le taux deffort à 34 %. « Choisir une délégation dassurance peut permettre à de nombreux emprunteurs de concrétiser leur projet mais ils ont rarement la main, quantité de banques imposant leur contrat groupe », regrette Astrid Cousin. Ceux qui ont obtenu leur prêt pourront, dans lannée de la signature, opter pour une délégation moins chère, comme le permet la loi Hamon.
Conseils pour décrocher un crédit immobilier
Une préparation soignée. Pour profiter des bonnes conditions actuelles de financement, les emprunteurs ont intérêt à bien sinformer sur tous les aspects du crédit et notamment les critères des banques. Il sagit aussi de bien se préparer. « Au moins trois mois avant de se lancer, il faut nettoyer les comptes bancaires, éliminer les découverts et solder les crédits conso », conseille Frank Roullier. Autre priorité : injecter de lapport en mobilisant économies, participation aux bénéfices de lentreprise ou encore donations (elles sont souvent exonérées de droits). En même temps, attention à garder une épargne résiduelle, cette somme qui permet de parer aux imprévus sans mettre le remboursement en péril.
Conseils pour convaincre la banque. Lemprunteur, on la vu, doit rassurer la banque sur sa capacité à rembourser. Il doit aussi montrer quil constitue un bon parti. La domiciliation des salaires chez la banque prêteuse, le placement dune épargne ou encore lachat de produits (assurances, cartes de crédit, etc.) facilitent les choses. Par ailleurs, il veillera à rassembler toutes les pièces du dossier le plus tôt possible. Le bon plan : voir sa banque ou un courtier avant de se lancer pour vérifier si lon est finançable et quel taux il est possible dobtenir. Une démarche matérialisée par une étude de faisabilité. « Elle rassure lacquéreur mais aussi le vendeur vendeur », explique Sylvain Lefèvre. « Elle est de plus en plus souvent demandée par les notaires lors de la signature du compromis de vente. » Bref, il faut anticiper pour emprunter au mieux de ses intérêts.
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