
Cest officiel : les taux immobiliers baissent en juin 2020. Le recul par rapport à mai 2020 varie, selon les établissements financiers, les durées et les profils demprunteurs, de 0,05 à 0,30 % daprès les informations recueillies auprès des courtiers. Sur vingt ans, la durée la plus souvent choisie par les emprunteurs, la moyenne tourne autour de 1,40 % brut (hors assurance et frais annexes) en juin 2020, contre 1,50 % le mois dernier. Des taux qui restent très bas : lors du plancher record historique de lautomne 2019, la moyenne brute sur vingt ans sétablissait à 1,10 %. Surtout, cette baisse apporte de lair au marché immobilier après le coup de chaud de ces dernières semaines.
Les banques sont prêtes. Pour autant, pas question de parler de reflux général. « Ce réajustement concerne essentiellement les banques qui avaient augmenté leurs taux en avril et en mai et qui se sont retrouvées hors marché en juin », explique Sandrine Allonier, porte-parole du courtier Vous financer. « Plutôt quune baisse de grande ampleur, les récents mouvements de taux témoignent dune harmonisation des barèmes bancaires », estime Ludovic Huzieux, co-fondateur dArtemis Courtage. « Cest un signe positif qui montre que les banques repartent à la conquête de la clientèle. »
Gagner des clients. Pourquoi les établissements financiers retrouvent-ils le goût de loffensive ? « Après deux mois de production de crédits immobiliers presque à larrêt, les banques ont la volonté de rattraper le retard accumulé », répond Julie Rech, directrice générale de Vousfinancer. « A mi-juin, alors que les compteurs sarrêtent fin octobre (le temps de finaliser les dossiers pour lannée en cours NDLR), il leur reste un peu plus de quatre mois pour atteindre leurs objectifs de production de lannée. Elles ont donc intérêt à se montrer attractives pour capter les emprunteurs qui sont nombreux en cette période de reprise du marché. »
Les taux immobiliers au 11 juin 2020
- 10 ans : de 0,70 à 1,80 %, taux moyen à 1,10 %.
- 15 ans : de 0,90 à 1,95 %, taux moyen à 1,20 %.
- 20 ans : de 1,05 à 2,15 %, taux moyen à 1,40 %.
- 25 ans : de 1,35 à 2,40 %, taux moyen à 1,60 %.
Taux bruts, hors assurance et coût des garanties, donnés à titre indicatif. Sources : barèmes bancaires et courtiers en crédit immobilier. Le taux dun crédit immobilier est établi au cas par cas, sur la base du profil de lemprunteur et des caractéristiques de son projet.
Eviter le taux de lusure. Si les barèmes se réajustent, cest aussi parce que « certaines banques ont pris conscience des difficultés créées par la baisse du taux de lusure », remarque Ludovic Huzieux. Ce plafond légal que le taux tout compris des prêts immobiliers (taux annuel effectif global ou TAEG) ne peut pas franchir a reculé au deuxième trimestre 2020. Pour les prêts sur plus de vingt ans, il est tombé à 2,51 %. Si un emprunteur décroche un taux brut de 1,80 % sur vingt-deux ans, par exemple, lajout de lassurance, de la garantie et des frais annexes conduit le crédit à dépasser le taux de lusure. Et le dossier est refusé.
Emprunteurs ciblés. Les premiers concernés, ce sont les jeunes primo-accédants modestes. Ils empruntent sur de plus longues durées, avec peu dapport personnel, ce qui fait monter le taux de leur crédit immobilier, au point de dépasser le taux de lusure. Autres emprunteurs pénalisés : les seniors, les personnes présentant un risque aggravé de santé ou encore les particuliers qui exercent une profession à risque. Ils paient leur assurance emprunteur au prix fort, ce qui peut les conduire là encore à dépasser le taux de lusure.
Le poids des frais annexes. La bouffée doxygène de la baisse des taux nest pas toujours suffisante pour éliminer le problème. Certaines dépenses annexes viennent gonfler le TAEG. Cest le cas des frais de dossier. Ils rémunèrent la banque pour le montage et létude de la demande de prêt, un travail qui doit logiquement être rémunéré. Aujourdhui, les banques appliquent un tarif forfaitaire qui peut atteindre 3.000 . Non négociable, ce montant vient augmenter le Taux annuel effectif global, ce qui peut conduire à un dépassement du taux de lusure.
Crédit immobilier : trois solutions pour rester en dessous du taux de lusure
Négocier avec la banque. Avec un bon dossier (apport personnel, comptes bien tenus, bonnes perspectives professionnelles, etc.) et un projet immobilier de qualité, vous êtes un bon client pour les banques. Pour vous séduire, certaines dentre elles pourront accepter de négocier votre taux, voire les frais de dossier, pour ne pas dépasser le taux de lusure. Faites le tour des établissements pour trouver celui qui acceptera votre dossier. Pour ce faire, vous pouvez vous faire aider par un courtier.
Jouer sur lassurance emprunteur. Vous pouvez choisir une autre assurance crédit que celle proposée par la banque prêteuse. Moins chère, cette délégation dassurance « baisse drastiquement le Taux annuel effectif d'assurance (TAEA, qui fait partie du TAEG), ce qui permet de ne pas dépasser le taux de l'usure. De quoi obtenir le prêt tout en réalisant des économies variant de 8. 000 à 20.000 sur la durée totale du crédit », explique Astrid Cousin, porte-parole du comparateur Magnolia.fr. Attention : nombre de banques refusent la délégation alors que cest un droit garanti par la loi Lagarde.
Opter pour un prêt multiligne. Plutôt que de choisir un seul prêt sur vingt ans, vous pouvez financer votre projet avec deux crédits couvrant la même somme, lun sur dix ans et lautre sur vingt ans. Plus court, lemprunt sur dix ans bénéficie dun taux plus bas, ce qui fait baisser le TAEG global et permet de rester en dessous du taux de lusure. « Ce type de montage est très technique et toutes les banques ne lacceptent pas », explique Ludovic Huzieux, co-fondateur dArtemis Courtage. « Un courtier saura trouver le bon établissement et aidera lemprunteur à choisir la formule la plus adaptée à son projet. »
Des critères de prêt très stricts. Si les taux se desserrent, les banques nont pas pour autant ouvert en grand les vannes du crédit. Elles appliquent avec rigueur les directives de réduction des risques données fin 2019 par le Haut Conseil de stabilité financière (HCSF). La durée du crédit est plafonnée à vingt-cinq ans et la mensualité ne peut pas dépasser le tiers des revenus (règle des 33 % de taux deffort). Ce qui exclut nombre de jeunes emprunteurs modestes. « Certains prêteurs se montrent conciliants sur le taux deffort si lemprunteur présente un beau profil », tempère Didier Laporte, qui dirige Universal Broker Service.
Les chouchous des banques. Ces beaux profils constituent la cible privilégiée des banques. « Elles sont prêtes à diminuer leurs taux pour attirer ces emprunteurs qui gagnent bien leur vie, avec notamment des revenus supérieurs à 6.500 net par mois », signale Sandrine Allonier. Cest encore mieux sils disposent de placements et ou dune capacité dépargne. Ces « chouchous des banques », comme les appelle Vousfinancer, peuvent emprunter à partir de 1,10 ou 1,15 % hors assurances sur vingt ans. Certains profils haut de gamme décrochent même des taux bruts inférieurs à 1 % sur vingt ans.
Plus dapport pour un taux plus bas. Autres chouchous des banques : les emprunteurs avec de lapport personnel. Selon certains barèmes bancaires que PAP.fr a pu consulter, le taux moyen pour un prêt sur vingt ans avec plus de 20 % dapport tourne autour de 1,25 % brut. Il monte à 1,60 % si lapport varie entre 5 et 20 %. Mais surtout, il culmine à 1,80 % pour ceux qui nont pas de fonds propres. Dans ce dernier cas, avec le prix de lassurance, des garanties et des frais de dossier, le taux de lusure est dépassé et le prêt est refusé. De quoi évincer demblée ceux qui nont pas dapport personnel
Crédit à 100 % : cest encore possible ! Lanalyse de ces barèmes bancaires montre quil reste possible demprunter avec peu dapport. « Les crédits à 100 %, une formule dans laquelle lemprunteur finance les droits de mutation et les frais annexes avec son apport personnel, nont pas complètement disparu », confirme Ludovic Huzieux. En revanche, les prêts à 110 %, qui couvrent le bien et les frais annexes, sont pratiquement impossibles à obtenir. Pour emprunter, mieux vaut se présenter avec au moins 10 % dapport et avoir les moyens de payer en plus droits de mutation et dépenses annexes.
Comment augmenter votre apport personnel
Pour augmenter votre apport, vous pouvez mobiliser la participation aux bénéfices de votre entreprise. Autre possibilité : la donation. Vos parents peuvent vous donner jusquà 100.000 sans payer de droits, vos grands-parents 31.865 . Certains financements aidés sont considérés comme de lapport, notamment dans le neuf, comme le PTZ (un crédit gratuit réservé aux primo-accédants), le prêt Action-logement. Noubliez pas les autres formules qui peuvent vous aider à optimiser votre financement comme le prêt fonctionnaire, lépargne logement
Taux deffort respecté. Si les banques sont exigeantes sur lapport personnel, cest parce quil les rassure. Avec lui, elles savent quelles ont affaire à un emprunteur qui gère ses finances en bon père de famille et qui est capable de faire face à ses remboursements. « En injectant de lapport, le crédit est moins important et son taux dintérêt est moins élevé », ajoute Maël Bernier, directrice de la communication de Meilleurtaux.com. « Du coup, le taux deffort est cantonné en dessous de 33 % et lemprunteur voit son TAEG rester en dessous du taux de lusure. Ce qui lui permet dobtenir son prêt. »
Lapport sécurise le projet immobilier. Lapport personnel réduit aussi le risque pris par les banques. Pourquoi ? Un crédit sans apport couvre la totalité de la dette immobilière. En cas de revente pour cause de force majeure (divorce, chômage, etc.), deux ou trois ans après la signature, lemprunteur doit rembourser lintégralité du prêt alors quil enregistre une moins-value. Il na plus assez dargent pour payer et la banque en est de sa poche. Avec un apport de 20 %, les sommes à rembourser sont moins importantes. Cest moins douloureux pour lemprunteur et la banque a davantage de chances de récupérer sa mise.
Attention à la qualité du logement. La revente reste un point capital pour les banques. Leur objectif, cest de limiter la casse tant pour elles que pour lemprunteur si ce dernier doit céder son bien en urgence et rembourser son prêt par anticipation. « Elles examinent avec attention la qualité comme ladresse du logement et préfèrent financer des biens qui résisteront mieux à un retournement du marché », remarque Didier Laporte. Bref, la règle dor de limmobilier - choisir un bon emplacement - est plus que jamais dactualité !
Garantie : les banques veillent au grain. Autre point qui compte : il ne faut jamais oublier que le logement vient garantir le crédit via lhypothèque ou la caution et que les banques sont vigilantes quant à la qualité de cette garantie. Elles se méfient des biens trop isolés, difficiles à revendre en cas de coup dur. Dans le neuf, elles ont du mal à financer les résidences dont les délais de livraison sont supérieurs à vingt-quatre mois. Côté maison neuve, la majorité dentre elles naccepte que les projets menés sous Contrat de construction-loi de 1990, seul cadre juridique à inclure une garantie de livraison à prix et délais convenus.
Taux immobiliers : quelles prévisions pour la fin 2020 ?
Comment les taux vont-ils évoluer ? « Etant donné les derniers barèmes reçus et la nécessité de relancer ce marché de l'immobilier qui a été stoppé pendant deux mois, la politique de taux bas devrait se maintenir », répond Maël Bernier, directrice de la communication de Meilleurtaux.com. « Les banques sont rassurées dans cette stratégie par les annonces favorables de la Banque centrale européenne (BCE), qui sest engagée à les soutenir pour le financement de la reprise économique », ajoute Philippe Taboret, directeur général adjoint de Cafpi. Bref, juin 2020 pourrait bien marquer la fin de la hausse des taux. Des taux qui pourraient rester stables jusqu'à la fin de l'année grâce aux politiques de soutien à l'économie et à l'attitude accommodante de la BCE.
Emprunteurs : le bon profil. La vigilance des banques porte aussi sur la situation de lemprunteur. Mieux vaut être en CDI ou fonctionnaire. Pas question de se présenter avec un découvert, une accumulation de crédits à la consommation, des refus de paiement ou des avis à tiers détenteur. Des critères somme toute classiques, qui étaient déjà appliqués bien avant la crise. Le chômage partiel ? « Il devrait avoir peu de conséquences pour les emprunteurs, en particulier si leur employeur complète la rémunération. Dans le cas contraire, des banques peuvent exiger un peu plus d'apport personnel », estime Ludovic Huzieux.
Crédit, emploi et employabilité. Ce qui change, cest la sélectivité croissante des banques en matière demploi. « Elles sont méfiantes à légard de personnes travaillant dans les secteurs lourdement impactés par la crise sanitaire », relève Alban Lacondemine, président fondateur dEmprunt Direct. Le tourisme, laérien, lhabillement, la restauration sont les premiers concernés. « Ce qui compte, cest surtout lemployabilité », précise Sandrine Allonier. « Un risque de chômage peut être accepté par les banques si lemprunteur, par la nature de son emploi, est en mesure de retrouver rapidement du travail. »
Emprunter reste possible ! Avec des banques très rigoureuses sur les critères doctroi des crédits, les acquéreurs pourront-ils obtenir leur financement ? « Ce quils doivent retenir, cest que rien nest jamais perdu », rassure Philippe Taboret, directeur général adjoint de Cafpi. « Des banques acceptent des dossiers que dautres refusent. Certaines sont plus conciliantes sur la délégation dassurance. Dautres peuvent baisser leurs barèmes de quelques points pour faire passer un dossier et ainsi recruter un emprunteur, donc un client fiable sur le long terme. »
Frapper à la bonne porte. Comment trouver ces prêteurs accommodants ? « Mieux vaut faire appel à un courtier : il connaît les critères des banques et il sait si tel ou tel établissement acceptera tel ou tel dossier », poursuit Philippe Taboret. Autre clé : « lemprunteur doit montrer à la banque quil représente, pour elle, un bon investissement » conseille Didier Laporte. « Il doit la sécuriser sur sa capacité à rembourser et lui prouver quil est rentable en lui achetant des produits et des services comme les assurances et autres cartes bancaires. » Bref, il faut bâtir un rapport gagnant-gagnant pour emprunter !
Cinq conseils pour obtenir un crédit immobilier
Préparez-vous en amont. Informez-vous bien. Quelques mois avant de vous lancer, nettoyez vos comptes des découverts et dun surcroît de crédits à la consommation. Informez-vous sur les critères doctroi des prêts. Consultez votre banque sur la faisabilité de votre projet. Autre piste : monter le dossier avec un courtier en crédits immobiliers. Il connaît les banques et saura vous dire si votre projet est finançable.
Comprenez les banques. Les banques veulent sécuriser les remboursements. Elles vont sassurer de votre solvabilité et vous accorderont un crédit en fonction de vos revenus. Pour elles, vous êtes aussi un placement : elles vont rentabiliser le crédit en vous vendant des produits et des placements. Autre point important : sachant que le logement garantit le crédit, elles vont être vigilantes sur ladresse et la qualité du bien.
Respectez les critères de prêt. Votre mensualité ne pourra pas dépasser le tiers de vos revenus et la durée de votre emprunt ne dépassera pas vingt-cinq ans et sept ans de revenus. Attention au reste à vivre, cette somme quil vous reste une fois la mensualité payée. Sil nest pas suffisant, la banque refusera le prêt. Elle vous demandera une épargne résiduelle représentant au moins six mensualités.
Sachez lâcher du lest. Jusquen 2019, les banques étaient plus souples sur de nombreux points. Aujourdhui, ce nest plus vrai. Par exemple, les frais de dossiers ne sont plus négociables. Acceptez cet état de fait. Ce qui compte actuellement, cest dobtenir le financement et ce serait ballot de faire capoter votre projet pour gratter quelques milliers deuros.
Etablissez vos priorités. Certes important, le crédit ne reste quun outil. Ce qui compte, cest votre projet. Si vous trouvez le logement qui vous convient vraiment, ne lâchez pas la proie pour lombre. Dans de nombreux secteurs prisés, loffre reste inférieure à la demande et quantité de biens, même aujourdhui, trouvent rapidement preneur sans voir chuter leur prix.