La loi Climat & Résilience bouleversera lurbanisme de certaines communes du littoral. Dans les communes impactées par le recul du trait de côte, la construction de logements pourra être autorisée avec lobligation dêtre démolis à une échéance fixée. La recomposition spatiale de certains territoires pourra être envisagée. Un droit de préemption sera aussi accordé aux communes pour acheter un bien qui serait situé dans une zone soumise à ce risque naturel. Stéphanie Dupuy-Lyon, directrice générale de la Direction générale de laménagement, du logement et de la nature (DGALN), explique à PAP.fr les avancées de cette loi pour accompagner les territoires littoraux menacés par lérosion et les rendre plus résilients dans les décennies à venir. 20 % du trait de côte est touché par lérosion, 10 % de la population est concernée sur 4 % du territoire.
PAP.fr : les Français sont-ils conscients du recul du trait de côte qui menace le littoral ?
Stéphanie Dupuy-Lyon : Oui. Ils sont sensibilisés aux effets du changement climatique car ils sont confrontés de plus en plus souvent à divers phénomènes naturels. Parmi ces derniers, il y a les dynamiques dérosion côtière, doublées de risques de submersion marine. Dans les années à venir, lélévation du niveau de la mer et laugmentation de la fréquence et de lintensité des phénomènes climatiques extrêmes accentueront encore cette vulnérabilité. Les Français en ont conscience. Mais il faut faire preuve encore de beaucoup de pédagogie : le recul du trait de côte, cest un risque naturel mais qui nest pas imprévisible. On sait quand il surviendra à quelques années près. On peut anticiper.
Quelles sont les traductions concrètes de la loi pour adapter les territoires au dérèglement climatique ?
Une liste de communes touchées par le retrait du trait de côte va être définie par décret. Elles devront réaliser une cartographie. Deux types de zonages seront indiqués : les secteurs qui seront impactés à moins de trente ans et les autres à un horizon plus lointain, compris entre trente et cent ans.
Que se passera-t-il dans ces différentes zones ?
Dans les zones concernées à une échéance de trente à cent ans, les collectivités locales pourront autoriser des constructions qui seront soumises à une obligation de démolition à un horizon donné. Aujourdhui, nous avons un niveau dobservation assez fin qui nous permet dindiquer à quelques années près le recul du trait de côte qui sera effectif dans les communes. Une partie de la somme consacrée à la construction du bâtiment (maisons, appartements) sera consignée auprès de la Caisse des dépôts et consignations (CDC) pour financer sa démolition et la remise en état du site. Dans la zone de zéro à trente ans, il sera interdit de construire comme cest déjà le cas dans les PPRL (Plan de prévention des risques littoraux), à lexception des quelques constructions nécessaires aux services publics et aux activités économiques. Par contre, les travaux dadaptation, de réfection et dextension seront autorisés à condition quils puissent être démontables à limage dun abri de voiture, dune extension de terrasse.
Comment seront choisies les communes ?
Elles seront choisies par lÉtat à lissue dune consultation organisée à lautomne avec les communes et les instances nationales comme le Conseil national de la mer et des littoraux et du Comité national du trait de côte. En tenant compte de la « particulière vulnérabilité » du territoire des communes au recul du trait de côte, cette liste sera déterminée en fonction de létat des connaissances scientifiques résultant notamment de lindicateur national de lérosion littorale et de la connaissance des biens et activités exposés à ce phénomène. Les communes devront élaborer dans les quatre années le zonage avec laide de lÉtat qui financera 80 % du coût de cette cartographie. Ce zonage sera ensuite intégré dans les documents durbanisme des communes et des intercommunalités.
Vous comptez améliorer linformation des particuliers louant ou achetant un logement ?
Oui ce point est fondamental. Jinsiste sur la transparence, la parfaite information du citoyen et le droit à l'information pour cet aléa comme pour les autres. Le diagnostic dinformation sur les risques naturels et technologiques qui est remis aux acquéreurs et aux locataires, intégrera désormais le risque de recul du trait de côte. Les particuliers dont les biens sont situés dans une zone exposée seront désormais informés par un état des risques. Ce document devra être annexé au contrat de bail et à lacte authentique. Cette information concernant lexposition au recul du trait de côte devra aussi figurer dans les annonces immobilières et être indiquée lors de la première visite du bien. Acheteurs et locataires pourront ainsi prendre leurs décisions en toute connaissance de cause. Le risque de recul du trait de côte sera aussi intégré au site georisques.fr qui répertorie les risques naturels (inondation, risques sismiques...). En quelques clics, linternaute saura si le bien recherché est concerné par ce risque.
A quoi sert le droit de préemption que la loi a créé ?
La loi permettra aux communes et aux intercommunalités dexercer un droit de préemption lors de la cession dun bien ou dune donation à lexception dune donation à un descendant qui serait situé dans une zone exposée au recul du trait de côte à un horizon compris entre trente et cent ans. Ce droit pourra être utilisé par les communes qui élaboreront un projet de relocalisation spatiale des biens. Il sagit de déplacer des commerces, les logements pour les préserver du risque. Le propriétaire dun bien qui serait menacé par le recul du trait de côte aurait tout intérêt à anticiper le projet de relocalisation de la commune. Plus il sera en amont, plus lévaluation du bien sera intéressante car la décote fixée par ladministration pour racheter son logement sera dégressive. A contrario, plus on se rapprochera de la survenue du risque, moins le bien sera valorisé.
Racheter des biens sur le littoral est onéreux. Comment seront financées ces acquisitions ?
Le droit de préemption sera financé par la taxe spéciale déquipement (TSE), une fiscalité dont la pression par habitant est très faible perçue par les établissements publics fonciers (EPF). Lensemble du littoral est couvert par un EPF.
La loi Climat & Résilience prévoit la création dun bail dadaptation au changement climatique (BRACC). Quel est lobjectif de ce dispositif ?
Le bail réel d'adaptation au changement climatique vise à maintenir une activité sur un territoire soumis au recul du trait de côte tant que les conditions le permettent, tout en prévoyant la déconstruction des biens mis à bail et la renaturation des terrains. Le bail réel immobilier confèrera à un preneur des droits réels immobiliers en vue doccuper lui-même ou de louer, exploiter, réaliser des installations, des constructions et des aménagements, dans des zones menacées par le recul du trait de côte ou des risques naturels aggravés par le changement climatique. A l'échéance du bail, les installations, ouvrages et bâtiments sont déconstruits et le terrain fait l'objet d'une renaturation. Le BRACC est avant tout destiné à la gestion de biens existants que l'on sait condamnés à moyen et long terme par le recul du trait de côte. Les bailleurs, après avoir acquis des biens, notamment via le droit de préemption, mettront à bail ces biens. Le bail encadrera les modifications et les usages du bien mis à bail.
Dans lattente de la publication de la cartographie recensant les communes touchées par le recul du trait de côte, comment les particuliers peuvent-ils sinformer avant dacheter, louer un logement ou faire construire une maison ?
Afin de disposer dun état des lieux de lévolution du trait de côte sur le littoral français, un indicateur national de lérosion côtière a été produit sous légide du comité scientifique de la Stratégie nationale de gestion intégrée du trait de côte à la demande du Ministère en charge de lenvironnement.
Cet indicateur national offre un constat des tendances moyennes de lévolution passée du trait de côte. Il quantifie les phénomènes dérosion sur une période de plusieurs dizaines dannées en métropole et dans les 5 départements et régions doutre-mer. Il permet de disposer dinformations homogènes et comparables sur les côtes françaises et complète ainsi les études locales existantes en proposant une échelle danalyse plus globale et un éclairage national à ces études. Lindicateur national de lérosion côtière est diffusé sur le portail GeoLittoral sous la forme de cartes et de données géoréférencées en Licence Ouverte.
Les risques bien identifiés
Pour en savoir plus sur les risques affectant votre bien, vous pouvez consulter les sites www.georisques.gouv.fr et www.errial.georisques.gouv.fr. Ces sites vous permettent de connaître les risques auxquels votre parcelle est exposée. Que ce soit la présence dargiles soumis au phénomène de retrait-gonflement, les glissements de terrain, la présence de radon, des risques miniers ou technologiques.