Loi Climat : les logements seront-ils démolis ?

Jérôme Augereau
Mis à jour par
le 10 septembre 2021
Journaliste chez PAP.fr

Si vous construisez une maison dans un secteur d’une commune du littoral très exposé à l’érosion côtière, votre habitation sera peut-être démolie à terme. C’est l’une des mesures de la loi Climat qui permet aux communes de s’adapter au recul du trait de côte, conséquence du réchauffement climatique.

© Pascal/Getty Images

La loi Climat & Résilience bouleversera l’urbanisme de certaines communes du littoral. Dans les communes impactées par le recul du trait de côte, la construction de logements pourra être autorisée avec l’obligation d’être démolis à une échéance fixée. La recomposition spatiale de certains territoires pourra être envisagée. Un droit de préemption sera aussi accordé aux communes pour acheter un bien qui serait situé dans une zone soumise à ce risque naturel. Stéphanie Dupuy-Lyon, directrice générale de la Direction générale de l’aménagement, du logement et de la nature (DGALN), explique à PAP.fr les avancées de cette loi pour accompagner les territoires littoraux menacés par l’érosion et les rendre plus résilients dans les décennies à venir. 20 % du trait de côte est touché par l’érosion, 10 % de la population est concernée sur 4 % du territoire.

PAP.fr : les Français sont-ils conscients du recul du trait de côte qui menace le littoral ?
Stéphanie Dupuy-Lyon : Oui. Ils sont sensibilisés aux effets du changement climatique car ils sont confrontés de plus en plus souvent à divers phénomènes naturels. Parmi ces derniers, il y a les dynamiques d’érosion côtière, doublées de risques de submersion marine. Dans les années à venir, l’élévation du niveau de la mer et l’augmentation de la fréquence et de l’intensité des phénomènes climatiques extrêmes accentueront encore cette vulnérabilité. Les Français en ont conscience. Mais il faut faire preuve encore de beaucoup de pédagogie : le recul du trait de côte, c’est un risque naturel mais qui n’est pas imprévisible. On sait quand il surviendra à quelques années près. On peut anticiper.

Quelles sont les traductions concrètes de la loi pour adapter les territoires au dérèglement climatique ?
Une liste de communes touchées par le retrait du trait de côte va être définie par décret. Elles devront réaliser une cartographie. Deux types de zonages seront indiqués : les secteurs qui seront impactés à moins de trente ans et les autres à un horizon plus lointain, compris entre trente et cent ans.

Que se passera-t-il dans ces différentes zones ?
Dans les zones concernées à une échéance de trente à cent ans, les collectivités locales pourront autoriser des constructions qui seront soumises à une obligation de démolition à un horizon donné. Aujourd’hui, nous avons un niveau d’observation assez fin qui nous permet d’indiquer à quelques années près le recul du trait de côte qui sera effectif dans les communes. Une partie de la somme consacrée à la construction du bâtiment (maisons, appartements) sera consignée auprès de la Caisse des dépôts et consignations (CDC) pour financer sa démolition et la remise en état du site. Dans la zone de zéro à trente ans, il sera interdit de construire comme c’est déjà le cas dans les PPRL (Plan de prévention des risques littoraux),  à l’exception des quelques constructions nécessaires aux services publics et aux activités économiques. Par contre, les travaux d’adaptation, de réfection et d’extension seront autorisés à condition qu’ils puissent être démontables à l’image d’un abri de voiture, d’une extension de terrasse.

Comment seront choisies les communes ?
Elles seront choisies par l’État à l’issue d’une consultation organisée à l’automne avec les communes et les instances nationales comme le Conseil national de la mer et des littoraux et du Comité national du trait de côte. En tenant compte de la « particulière vulnérabilité » du territoire des communes au recul du trait de côte, cette liste sera déterminée en fonction de l’état des connaissances scientifiques résultant notamment de l’indicateur national de l’érosion littorale et de la connaissance des biens et activités exposés à ce phénomène.  Les communes devront élaborer dans les quatre années le zonage avec l’aide de l’État qui financera 80 % du coût de cette cartographie. Ce zonage sera ensuite intégré dans les documents d’urbanisme des communes et des intercommunalités.

Vous comptez améliorer l’information des particuliers louant ou achetant un logement ?
Oui ce point est fondamental. J’insiste sur la transparence, la parfaite information du citoyen et le droit à l'information pour cet aléa comme pour les autres. Le diagnostic d’information sur les risques naturels et technologiques qui est remis aux acquéreurs et aux locataires, intégrera désormais le risque de recul du trait de côte. Les particuliers dont les biens sont situés dans une zone exposée seront désormais informés par un état des risques. Ce document devra être annexé au contrat de bail et à l’acte authentique. Cette information concernant l’exposition au recul du trait de côte devra aussi figurer dans les annonces immobilières et être indiquée lors de la première visite du bien. Acheteurs et locataires pourront ainsi prendre leurs décisions en toute connaissance de cause. Le risque de recul du trait de côte sera aussi intégré au site georisques.fr qui répertorie les risques naturels (inondation, risques sismiques...). En quelques clics, l’internaute saura si le bien recherché est concerné par ce risque.

A quoi sert le droit de préemption que la loi a créé ?
La loi permettra aux communes et aux intercommunalités d’exercer un droit de préemption lors de la cession d’un bien ou d’une donation à l’exception d’une donation à un descendant qui serait situé dans une zone exposée au recul du trait de côte à un horizon compris entre trente et cent ans. Ce droit pourra être utilisé par les communes qui élaboreront un projet de relocalisation spatiale des biens. Il s’agit de déplacer des commerces, les logements pour les préserver du risque. Le propriétaire d’un bien qui serait menacé par le recul du trait de côte aurait tout intérêt à anticiper le projet de relocalisation de la commune. Plus il sera en amont, plus l’évaluation du bien sera intéressante car la décote fixée par l’administration pour racheter son logement sera dégressive. A contrario, plus on se rapprochera de la survenue du risque, moins le bien sera valorisé.

Racheter des biens sur le littoral est onéreux. Comment seront financées ces acquisitions ?
Le droit de préemption sera financé par la taxe spéciale d’équipement (TSE), une fiscalité dont la pression par habitant est très faible perçue par les établissements publics fonciers (EPF). L’ensemble du littoral est couvert par un EPF.

La loi Climat & Résilience prévoit la création d’un bail d’adaptation au changement climatique (BRACC). Quel est l’objectif de ce dispositif ?
Le bail réel d'adaptation au changement climatique vise à maintenir une activité sur un territoire soumis au recul du trait de côte tant que les conditions le permettent, tout en prévoyant la déconstruction des biens mis à bail et la renaturation des terrains. Le bail réel immobilier confèrera à un preneur des droits réels immobiliers en vue d’occuper lui-même ou de louer, exploiter, réaliser des installations, des constructions et des aménagements, dans des zones menacées par le recul du trait de côte ou des risques naturels aggravés par le changement climatique. A l'échéance du bail, les installations, ouvrages et bâtiments sont déconstruits et le terrain fait l'objet d'une renaturation. Le BRACC est avant tout destiné à la gestion de biens existants que l'on sait condamnés à moyen et long terme par le recul du trait de côte. Les bailleurs, après avoir acquis des biens, notamment via le droit de préemption, mettront à bail ces biens. Le bail encadrera les modifications et les usages du bien mis à bail.

Dans l’attente de la publication de la cartographie recensant les communes touchées par le recul du trait de côte, comment les particuliers peuvent-ils s’informer avant d’acheter, louer un logement ou faire construire une maison ?
Afin de disposer d’un état des lieux de l’évolution du trait de côte sur le littoral français, un indicateur national de l’érosion côtière a été produit sous l’égide du comité scientifique de la Stratégie nationale de gestion intégrée du trait de côte à la demande du Ministère en charge de l’environnement.
Cet indicateur national offre un constat des tendances moyennes de l’évolution passée du trait de côte. Il quantifie les phénomènes d’érosion sur une période de plusieurs dizaines d’années en métropole et dans les 5 départements et régions d’outre-mer. Il permet de disposer d’informations homogènes et comparables sur les côtes françaises et complète ainsi les études locales existantes en proposant une échelle d’analyse plus globale et un éclairage national à ces études. L’indicateur national de l’érosion côtière est diffusé sur le portail GeoLittoral sous la forme de cartes et de données géoréférencées en Licence Ouverte.

Les risques bien identifiés
Pour en savoir plus sur les risques affectant votre bien, vous pouvez consulter les sites www.georisques.gouv.fr et www.errial.georisques.gouv.fr. Ces sites vous permettent de connaître les risques auxquels votre parcelle est exposée. Que ce soit la présence d’argiles soumis au phénomène de retrait-gonflement, les glissements de terrain, la présence de radon, des risques miniers ou technologiques.


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