Immobilier : de nouvelles mesures pour faciliter la location?

Pierre Chevillard
Mis à jour par Pierre Chevillard
le 21 juin 2019
Rédacteur en chef chez PAP.fr

Le député LRM Mickaël Nogal a rendu son rapport sur la location le 18 juin 2019. Un texte qui vise à fluidifier le marché locatif privé et à restaurer la confiance entre propriétaires et locataires. Parmi ses 37 propositions, certaines sont explosives…

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Louer en confiance, 37 propositions pour un développement équilibré et conforme à l’intérêt général du parc locatif privé. C’est le nom du rapport rendu le 18 juin 2019 par le député LRM de la Haute-Garonne Mickaël Nogal. Ce pavé de 93 pages compte 37 mesures accompagnées de nombreux éléments d’explication et d’analyse sur les rapports locatifs. L’objectif : « passer d’un système perdant-perdant basé sur la défiance à un système gagnant-gagnant au profit d’une confiance réciproque entre l’ensemble des parties, propriétaires, locataires et agences immobilières », indique le rapport.

Problèmes locatifs. Pour le député, le secteur locatif souffre d’une défiance entre les acteurs, « basée sur des éléments souvent plus proches de l’expectative que de la rationalité ». Le rapport souligne la mauvaise image des agents immobiliers et leurs honoraires de gestion trop élevés, ce qui expliquerait pourquoi les deux tiers des propriétaires gèrent leur bien en direct. Autre problème : en secteur tendu, la forte demande « pousse à une sélectivité accrue des locataires et renforce la difficulté des profils hors CDI notamment à se loger ». Le rapport pointe aussi la gestion en direct « parfois synonyme d’un plus grand nombre de discriminations, de litiges et d’infractions, du côté du propriétaire comme du locataire ».

Mission ambitieuse. Suivant les instructions du Premier Ministre, qui a commandé le rapport, Mickaël Nogal s’est penché, après avoir consulté une liste impressionnante de personnalités du monde du  logement, sur « l’évolution des modalités d’intermédiation des agences immobilières », comme le précise la lettre de mission d’Edouard Philippe. Laquelle de fixer pour objectif de « susciter un nouvel élan dans la mise sur le marché de logements locatifs privés en rassurant les bailleurs privés ». Le résultat, ce sont donc ces 37 propositions dont certaines sont pour le moins controversées.

Solutions explosives. Pour M. Nogal, les solutions passent notamment par un recours accru aux professionnels. Bien sûr, il n’est pas question d’interdire la gestion locative en direct, de particulier à particulier. Mais le député compte sur les agents immobiliers et autres administrateurs de biens pour détendre les rapports locatifs. Ils seraient par exemple responsables du paiement des loyers si le propriétaire leur confie leur logement. Pour renforcer la confiance dans ces intermédiaires, le rapport propose la création d’une certification baptisée Immo+. Elle porterait sur la gestion et l’assistance à la maîtrise d’ouvrage pour les travaux, notamment dans le domaine de la rénovation énergétique. Par ailleurs, les professionnels devraient s’engager à renforcer leur formation.   

Dépôt de garantie : révolution. Le dépôt de garantie, source de nombreux litiges, est lui aussi traité par M. Nogal. Le député LRM propose que cette somme versée par le locataire au propriétaire soit confiée à un organisme tiers. Ce dernier gérerait les montants en question et se chargerait de leur restitution totale ou partielle en cas de travaux. Une restitution qui serait effectuée en accord entre les parties ou par voie judiciaire en cas de litige. La mesure provoque une levée de boucliers, nombre d’acteurs estimant perdre le contrôle du dépôt de garantie. M. Nogal souligne que ce dispositif fonctionne en Grande-Bretagne.

Vaste programme. Parmi ses autres propositions, le rapport mise sur une meilleure information des parties. Il s’agirait par exemple de simplifier les grilles de vétusté et d’état des lieux pour réduire les risques de conflits. Autre mesure : « mettre en place un observatoire des délais de traitement des procédures d’expulsion permettant de connaître la réalité des délais, de faire apparaître les facteurs qui contribuent le plus à leur allongement et les mesures susceptibles de les raccourcir pour les propriétaires confrontés à des locataires indélicats ». Honoraires versés par les locataires, prévention des litiges, développement et mise en cohérence des aides à la rénovation, poursuite de la mise en place des observatoires locaux des loyers… Le rapport, qui devrait donner naissance à une proposition de loi débattue au Parlement cet automne, est consultable ici.

Rapport Nogal : trois propositions au crible

Consigner le dépôt de garantie du locataire auprès d’un organisme dédié, laisser aux professionnels la garantie de versement des loyers, refondre la grille de vétusté : nous revenons sur trois des mesures les plus significatives du rapport Nogal.  

Le dépôt de garantie échapperait aux propriétaires. Principale source de litige concernant le dépôt de garantie : sa restitution en fin de bail. Les propriétaires doivent justifier les éventuelles retenues sur cette somme par des travaux sur facture, ce qui prend du temps. Autre problème : certains bailleurs tardent à restituer leur dû aux locataires. Du coup, certains ne paient plus leur dernier mois de loyer, estimant que le propriétaire se rémunérera sur le dépôt de garantie. Ce qui est illégal et désagréable pour le bailleur de bonne foi.

Dans certains cas, le litige va jusque devant les tribunaux. « Selon les statistiques du ministère de la Justice, 65 % des actions engagées par les locataires portent sur la non-restitution du dépôt de garantie », pointe le rapport, soit 6 000 à 8 000 affaires par an. Il s’agit donc de réduire ce risque et de pacifier les rapports bailleurs-locataires.

Mesure suggérée par le rapport Nogal : le dépôt de garantie serait versé à un organisme tiers spécialement agréé. Cette structure conserverait la somme jusqu’à la fin du bail et se chargerait de la remettre au locataire après déduction éventuelle du montant des travaux. Une restitution qui se déroulerait « en accord avec les deux parties, ou conformément à une décision judiciaire en cas de litige », explique le rapport.

Cet organisme qui gérerait les dépôts de garantie n’est pas encore défini. Ce que l’on sait, c’est qu’il pourrait être collégial. « Représentants des locataires, des propriétaires et des administrateurs de biens pourraient être associés à l’administration du dispositif », note le rapport. Aujourd’hui, le dépôt de garantie, qui compte pour un mois de loyer en location vide et deux mois en meublé, est versé au propriétaire par le locataire.

Les professionnels garantiraient les loyers impayés. Pour rassurer les propriétaires quant au risque d’impayés (leur taux actuel oscille entre 2 et 3 %), le rapport met en avant une solution innovante. Lorsqu’un propriétaire confie la gestion de son bien à un professionnel, ce dernier lui garantirait le paiement des loyers. Une garantie qui prendrait en charge « la remise en état du bien suite à des dégradations au-delà du montant du dépôt de garantie et tous les frais éventuels de procédure (dont l’expulsion NDLR) », explique le rapport.

L’agent se couvrirait contre ce risque en souscrivant une assurance spécifique obligatoire, dont le coût serait assumé par le propriétaire-bailleur. Une dépense qui tournerait aux alentours de 1,5 % des loyers hors charges, un chiffre qui provient des estimations des professionnels interrogés par M. Nogal.

Reste à savoir comment le locataire sera choisi. « Les contrats d’assurance laissent l’administrateur de biens apprécier sous sa responsabilité la solvabilité des locataires ; ces contrats ne peuvent donc comporter de clauses générales excluant certains locataires au regard du niveau ou de la nature de leurs revenus », explique le rapport. Bref, le professionnel aura toute latitude pour faire sa sélection selon ses propres critères.

En théorie, ce mécanisme permettrait d’assouplir certains critères comme le taux d’effort ou le statut professionnel, facilitant la location pour les indépendants et les CDD. Dans la mesure où le professionnel est responsable du paiement des loyers, il pourrait aussi avoir tendance à se surprotéger, et donc à appliquer des critères plus stricts.

Le locataire, lui, ne serait plus tenu de fournir la caution d’une personne physique. Pour autant, l’administrateur de biens « pourra décider lui-même de faire appel à des prestataires externes pour certifier le dossier de certains candidats ou demander une caution à la charge du locataire », précise l’annexe III du rapport Nogal. Pas sûr que le locataire y trouve son compte, tant en termes de critères que de budget…

Une nouvelle grille de vétusté sécuriserait la location. La vétusté, c’est l’usure normale du logement. Elle est prise en charge par le bailleur, qui doit assumer les dépenses qui lui sont relatives. Les dégradations, elles, relèvent du locataire. Pour mieux cerner cette notion, la loi ALUR de 2014 devait mettre en place une grille de vétusté qui n’est jamais réellement venue, comme l’explique cet article. Du coup, les textes relatifs à cette notion sont plutôt flous. Ce qui, forcément, donne naissance à des conflits qui ne facilitent pas les rapports locatifs.

Pour le député Nogal, il s’agit de mettre en place un outil précis et indiscutable pour mettre fin à ces litiges. L’idée : « confier à une personnalité indépendante le soin d’élaborer un projet de grille de vétusté en s’inspirant des grilles existantes et des avis des différents acteurs, soumettre cette grille à l’avis de la commission nationale de conciliation, la modifier éventuellement pour prendre en compte les recommandations consensuelles de la commission », explique la proposition 3 du rapport. Une fois ce long travail terminé, la grille de vétusté new-look serait rendue obligatoire.

Ce nouvel outil permettrait de déterminer avec précision, en début de bail, les travaux et autres réparations qui incombent au propriétaire ou au locataire en fin de contrat. De quoi pacifier les relations propriétaires-locataires ? Pas sûr : l’élaboration de cette fameuse grille doit prendre en compte toute la diversité technique des logements français, ce qui est loin d’être évident selon certaines associations de consommateurs (voir ci-dessous, les réactions au rapport Nogal).  

Rapport Nogal sur la location : les réactions

Avec ses mesures choc, le rapport Nogal suscite bien des réactions. Pour l’essentiel, elles sont négatives. Témoin la consignation du dépôt de garantie, que certains qualifient de hold-up. Quelques professionnels, eux, se frottent les mains, même s’ils auraient bien aimé en avoir plus…

L’Unpi (Union nationale pour la propriété immobilière). Pour cette association de défense des propriétaires, l’objectif du rapport, qui était « de développer des rapports équilibrés et conformes à l’intérêt général du parc locatif privé » est « totalement manqué ». L’UNPI s’estime même trahie. « La confiscation du dépôt de garantie versé par le locataire à un « organisme agréé » ne figure pas dans la lettre de mission du Premier Ministre », explique-t-elle. « La proposition du député va donc à l’encontre de la lettre de mission. » Et de déplorer que « la question du dépôt de garantie, auquel les propriétaires sont très attachés, n’a jamais été évoquée dans les discussions entre l’UNPI et le député Nogal ».

La Fnaim (Fédération nationale des agents immobiliers). « Les pistes de travail vont dans le bon sens, à l’image de l’établissement d’une grille de vétusté ou de la prise en charge des loyers et charges impayés par les agents immobiliers », indique cette organisation. Concernant la consignation du dépôt de garantie, elle pointe « le mauvais signal envoyé aux bailleurs en amoindrissant cette garantie ». Elle aurait préféré que « les dépôts de garantie soient centralisés par les agents immobiliers ». Le rapport Nogal suggérant la mise en place d’une meilleure formation des professionnels, la Fnaim considère que « rajouter des formations à celles existantes est source de confusion, d’autant que les formations sont déjà nombreuses ».

La CLCV (Confédération pour le logement et le cadre de vie). Pour cette association de consommateurs, le rapport relève d’une « bien étrange façon de procéder : inciter à une réforme législative pour favoriser le recours à des agents immobiliers alors qu’il appartient à ces derniers de tout mettre en œuvre pour valoriser leur rôle. Environ une location sur trois passe par l’intermédiaire d’une agence et les professionnels n’ont jamais réussi à démontrer leur plus-value ». Pour la CLCV, la consignation du dépôt de garantie « risque de devenir un monstre de complexité en cas de litige ou de restitution tardive. L’instauration d’une grille de vétusté au plan national n’est pas viable tant les matériaux sont divers et de qualité extrêmement variable ». L’association juge « intéressantes » des mesures comme « l’obligation pour les professionnels de garantir le paiement du loyer, le renforcement de la transparence des relations propriétaires-locataires, ou l’accentuation de la lutte contre l’habitat indigne et les discriminations ».


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