Les taux immobiliers viennent de pulvériser de nouveaux planchers historiques. Une quinzaine de banques ont en effet abaissé leurs tarifs de 10 à 30 points de base signale le courtier Vousfinancer. Résultat : au 4 octobre 2019, les taux moyens bruts (hors assurance et garanties) sétablissent à 0,95% sur quinze ans, 1,15% sur vingt ans ou encore 1,35% sur vingt-cinq ans. En juin dernier, les taux immobiliers bruts, pour ces mêmes durées, sétablissaient respectivement à 1,15%, 1,35% et 1,55% (source : Empruntis).
Meilleurs taux. Et encore : ces chiffres doctobre 2019 ne concernent que des taux moyens. Car les meilleurs dossiers décrochent des tarifs plus quexceptionnels. Artemis Courtage, par exemple, a obtenu pour certains de ses clients à fin septembre des taux bruts à 0,58% sur vingt ans et à et à 0,80% sur vingt-cinq ans. Certains particuliers ont même emprunté à 0,30% sur dix ans et à 0,07% sur sept ans ! Des conditions qui sont réservées aux meilleurs profils de clientèle : revenus supérieurs à 10 000 €/mois pour un couple, capacité dépargne, au moins 10% dapport
Stratégie bancaire. De fait, les établissements financiers sont sélectifs. Ils naccordent ces fameux rabais quà des catégories précises dacquéreurs. « La fin de lannée approche et nombre de banques ont atteint voire dépassé leurs objectifs de production de crédit » analyse Sandrine Allonier, porte-parole de Vousfinancer. « Du coup, elles ajustent leurs barèmes en fonction des clients quelles souhaitent capter : les unes baissent leurs taux uniquement sur les meilleurs profils, dautres les relevant sur certaines typologies demprunteurs. »
Taux moyen | Taux minimum | Taux maximum | |
Durée : 7 ans | 0,60% | 0,07% | 1,72% |
Durée : 10 ans | 0,75% | 0,27% | 1,90% |
Durée : 15 ans | 0,95% | 0,46% | 1,99% |
Durée : 20 ans | 1,15% | 0,58% | 2,25% |
Durée : 25 ans | 1,35% | 0,73% | 2,25% |
Durée : 30 ans | 1,75% | 1,37% | 3,00% |
Crédit : les taux immobiliers au 3 octobre 2019. Fournis à titre indicatif, ces taux sont bruts. Ils ne prennent pas en compte l'assurance de prêt, qui coûte en moyenne 0,30% du montant emprunté. Chaque banque appliquant ses propres conditions et ses propres critères, le taux d'un crédit immobilier est déterminé au cas par cas, en fonction du profil de l'emprunteur et des caractéristiques du projet. Source : Empruntis.
Crédit : premières hausses de taux en octobre 2019
Reconstitution des marges. Si des hausses réapparaissent, cest aussi parce que « certaines banques souhaitent soigner leurs marges en ce dernier trimestre 2019 » note Alban Lacondemine, président du courtier Emprunt Direct. Logique : depuis des mois voire des années, elles sarrachent les clients à grands renforts de décotes sur leurs taux, quitte à ne plus gagner dargent sur les prêts à lhabitat comme le constate la dernière étude du Haut conseil de stabilité financière. Une situation difficilement tenable à lheure où les obligations dEtat, lun des placements préférés des banques, affichent des taux négatifs.
Remontée des taux. Le courtier Vousfinancer a même remarqué quune banque a pratiqué des hausses plus fortes selon les profils « sortant ainsi du marché sur certaines cibles de clientèle quelle ne souhaite manifestement plus financer ». Cest donc confirmé : la réduction des marges sur les prêts immobiliers pousse les banques à sélectionner les profils les plus rentables. Elles rentreront ensuite dans leurs frais en leur vendant assurances et placements. Mais pour les autres emprunteurs, les choses commencent à se compliquer.
Durcissement du crédit. Les frais de dossier, par exemple, sont de moins en moins négociables, ce qui permet aux banques de gratter quelques centaines d sur chaque prêt. Côté assurance, les banques imposent très souvent leur contrat groupe, sur lequel elles gagnent de largent. « Malgré l'arsenal législatif en faveur de l'ouverture du marché (lois Lagarde, Hamon, Bourquin), les prêteurs continuent à user de manuvres dilatoires empêchant leurs clients de bénéficier de choisir leur contrat auprès dun assureur extérieur pour réduire les coûts » pointe le comparateur Magnolia.fr.
Taux immobiliers : pourquoi restent-ils si bas ?
Si les taux sont historiquement bas, cest grâce à laction de la banque centrale européenne (BCE). Elle maintient son taux directeur à zéro, pratique un taux de dépôt négatif et ouvre en grand le robinet des liquidités. Lidée, cest de pousser les banques à prêter en profitant dune matière première, largent, qui ne coûte pratiquement rien. Du coup, les établissements financiers peuvent baisser les tarifs de leurs prêts à lhabitat pour attirer de nouveaux emprunteurs, qui seront autant de nouveaux clients. Et pour les séduire, elles sont prêtes à brader leurs taux puisquelles doivent absolument placer leurs liquidités. Un prêt immobilier à 1% sur vingt ans leur rapporte (en brut) 1% avec un risque dimpayés quasi-nul. Alors que les obligations dEtat, que les instances de régulation leur imposent dacheter pour réduire les risques de crédit (ce sont les placements les plus sûrs), affichent des taux négatifs (- 0,22% au 2 octobre 2019). Bref, le client/emprunteur, cest un bon investissement pour les banques françaises. On comprend mieux pourquoi elles se les arrachent, quitte à brader leurs taux dintérêt et réduire leurs marges
Remboursements plus courts. Lautre écueil, cest le tour de vis sur des critères jusque-là très souples. Par exemple, les banques ont soutenu la demande en allongeant la durée des crédits, une formule qui permet demprunter davantage et/ou de respecter plus facilement la règle des 33% de capacité dendettement. La durée moyenne est ainsi passée de 215 mois en juin 2016 à 230 mois en juin 2019 selon lObservatoire Crédit Logement/CSA. Mais depuis, cette même durée est retombée à 226 mois. Aux dernières nouvelles, une banque aurait même décidé de ne plus prêter sur plus de vingt-deux ans.
Apport stabilisé. Lapport personnel est logé à même enseigne. Il na cessé de baisser, sa part dans les crédits passant en moyenne de 32% dans les années 80 à 14% en août 2019 selon Crédit Logement/CSA. Et nombre demprunts affichent un taux apport inférieur à 10%. De quoi faciliter les projets de de jeunes ménages qui nont pas déconomies. Mais attention : « depuis la fin du printemps 2019, les taux dapport personnel se stabilisent, enrayant le mouvement dexpansion du marché qui prévalait jusqualors » indique Crédit Logement/CSA. Et en octobre 2019, certaines banques auraient stoppé la commercialisation des prêts sans apport
Immobilier : bientôt la fin de la baisse des taux
Risque de crédit. Si les banques commencent à serrer la vis sur les taux et les durées, cest parce quelles anticipent les prochaines règles prudentielles issues des accords dits Bâle IV, qui devraient entrer en vigueur à compter de 2022. Avec ces dispositifs de réduction des risques de crédit, celles qui prêtent aux ménages qui ont peu dapport devront par exemple augmenter leur quantité de fonds propres. Elles auront donc deux options : soit monter leurs taux pour compenser, soit ralentir la distribution de crédits aux primo-accédants, premiers concernés par ces critères dapport
Voyage en absurdie. Au résultat, les banques vivent un paradoxe. Dun côté, la Banque centrale européenne (BCE) ouvre en grand les vannes du crédit (injection de liquidités, taux directeur à zéro) pour doper léconomie. De lautre, les banques sont incitées à la prudence par les accords de Bâle IV ou encore par le Haut conseil de stabilité financière. Dans une récente note, il estime que lassouplissement sur les durées et lapport constitue, pour les banques « une vulnérabilité à moyen terme ». Prêter ou ne pas prêter, telle pourrait bientôt être la question.
Le moment demprunter. Si quelques nuages pointent dans cette météo jusque-là au beau fixe, pas question de paniquer. « Les taux vont rester très bas grâce à la politique accommodante de la BCE et les critères bancaires seront encore assez souples, maintenant d'excellentes conditions de crédit » estime Philippe Taboret, directeur général-adjoint du courtier Cafpi. « Emprunter sans apport est encore possible pour peu que lon justifie, auprès de la banque, dun effort dépargne et/ou que lon présente un profil jeune à revenus évolutifs » illustre Ulrich Maurel, porte-parole dEmpruntis.
Quelles prévisions pour le crédit ? A plus long terme, cest un nouveau paysage du financement qui se dessine. Les taux ne devraient pas augmenter avant au moins un an, sils augmentent. Mais seuls les emprunteurs les plus rentables pour les banques bénéficieront de décotes. Les autres obtiendront des conditions standard. Des tendances qui devraient marquer la fin de la baisse des taux entamée depuis plus de quatre ans. Les critères doctroi, quant à eux, vont sans doute se durcir un peu, avec des conséquences limitées pour les emprunteurs. Sauf pour les profils les plus risqués, qui pourraient bien se voir exclus du crédit.
Crédit immobilier : cinq conseils pour bien emprunter
Préparez-vous. Calculez votre apport (vos économies, la participation aux bénéfices de votre entreprise un prêt familial
) et faites faire des simulations de financement pour bien évaluer votre financement et savoir combien emprunter.
Présentez un bon profil. Respectez les critères classiques (33% de capacité dendettement, reste à vivre raisonnable). Les banques prêtent plus facilement aux CDI et vos finances personnelles doivent être bien gérées (pas de découvert, pas dincidents de paiement, etc.).
Anticipez. Rassemblez les pièces de votre dossier de prêt le plus tôt possible (bulletins de salaire, avis dimposition, relevés de comptes, justificatifs dapport, etc.). Vous gagnerez un temps précieux à lheure où les délais dobtention des prêts sallongent.
Comparez les crédits. Faites le tour des banques pour connaître leurs conditions. Basez-vous sur le taux annuel effectif global, qui intègre le taux, lassurance et tous les frais liés à votre emprunt. Cest le seul moyen de comparer ce qui est comparable.
Faites-vous aider. Vous pouvez faire appel à un courtier. Cet intermédiaire connaît la politique commerciale des prêteurs et saura vous orienter vers la banque qui acceptera votre dossier et qui, mieux encore, pourra vous décrocher un prêt performant (taux bas, assurance moins chère, etc.).