Crédit immobilier : les vrais dangers de la hausse des taux
Si la baisse des taux immobiliers est bien terminée, la hausse, très légère, ne pénalise pas encore les particuliers qui veulent acheter un logement. Mais les conditions de crédit pourraient bientôt se durcir.
Après 18 mois de baisse ininterrompue, les taux des prêts immobiliers remontent. En une quinzaine de jours, la quasi-totalité des banques a relevé ses barèmes signale le courtier Empruntis.com dans un communiqué du 15 juin. Un rebond qui varie de 0,10 à 0,30 % en fonction des durées de remboursement. Résultat : au 16 juin 2015, le 15 ans fixe moyen sétablit à 2,20 % contre 2,05 % au 31 mai. Dans le même temps, le 20 ans fixe moyen passe de 2,35 à 2,50 %.
Une progression quasiment indolore. « La récente hausse est un non-événement car les taux immobiliers restent proches de leurs plus bas niveaux historiques », tempère Ludovic Huzieux, directeur associé dArtemis Courtage. Empruntis.com a beau jeu de souligner que pour un crédit de 200 000 € sur vingt ans, une hausse de taux de 0,20 % alourdit la mensualité de 20 €. Et ce courtier denfoncer le clou : malgré les récents soubresauts, la baisse des taux constatée depuis un an génère une hausse du pouvoir dachat immobilier de 8,6 %.
Des projets immobiliers peu impactés
Les acquéreurs de biens immobiliers ne sont guère pénalisés par la hausse. Elle est même indolore pour ceux qui présentent un bon dossier. « Ils peuvent facilement obtenir des taux inférieurs de 10 à 20 % par rapport aux barèmes officiels », observe Ludovic Huzieux. Comment bénéficier de ces tarifs préférentiels ? Il faut de lapport, de bons revenus, une situation professionnelle stable et un bon potentiel dévolution, mais aussi faire jouer la concurrence. Les autres emprunteurs ? Ils bénéficient tout simplement du tarif normal. Lequel reste très attractif.
Embouteillage bancaire. Attention toutefois : « les banques ont engrangé de très nombreux dossiers de financement au printemps et elles doivent prendre le temps de les traiter, ce qui les pousse à freiner la demande en relevant leurs taux », note Philippe Taboret, directeur général adjoint du courtier Cafpi. En fait, le vrai risque pour les acquéreurs, cest de voir le bouclage de leur financement prendre plus de temps que prévu. Conseil : dans les compromis de vente, mieux vaut indiquer un délai plus long pour la demande de prêt. 60 jours est un minimum.
La fin des renégociations ? Ceux qui comptent renégocier leur crédit sont nettement moins bien lotis. « Ils ne constituent plus un objectif pour les banques », constate Maël Bernier, directrice de la communication du courtier Meilleurtaux.com. « Chez de nombreux prêteurs, les services de traitement des dossiers sont engorgés et ces établissements donnent clairement la priorité aux particuliers qui achètent un logement pour ne pas bloquer le marché. » Certaines banques refusent toute renégociation, voire tout rachat de prêt immobilier.
Taux : pas de risques denvolée en 2015
Lavenir est par nature imprévisible. Cest encore plus vrai pour les taux qui, très taquins, ont pour habitude de déjouer les pronostics. « Ce qui est acquis, cest que la phase de baisse des dix-huit derniers mois est terminée », estime Cécile Roquelaure, directrice de la communication dEmpruntis.com. Hausse de certains indices financiers comme lObligation assimilable du Trésor à dix ans, crise grecque, banques qui comptent augmenter leurs marges et/ou qui ont atteint leurs objectifs, autant darguments qui laissent entrevoir une poursuite de la hausse.
Le crédit va rester attractif. Dautres éléments militent en faveur dune stabilisation. « Les conditions de refinancement offertes aux prêteurs par la Banque centrale européenne (BCE) restent très favorables, linflation est quasi-nulle et la concurrence bancaire pourrait se faire plus vive à la rentrée », estime Pascal Beuvelet, fondateur du courtier In&Fi Crédits. Au bout du compte, les taux pourraient gagner quelques dixièmes de points cet automne. Pas de quoi freiner les ardeurs des acquéreurs en 2015. Pour 2016, les prévisions sont délicates au regard des nombreuses incertitudes qui pèsent sur léconomie.
Crédit : des menaces inattendues
Le danger pourrait venir du Comité de Bâle. Dans un rapport du 8 juin 2015, cette instance, qui régule le système bancaire européen, entend réduire les risques de taux pris par les banques françaises. Aujourd'hui, ces dernières se refinancent à court terme, à taux très bas, pour accorder des prêts immobilier à taux fixes, sur le long terme, à des taux plus élevés. Bref, elles se refinancent court pour prêter long. En cas de forte hausse du prix de l'argent, le coût du refinancement pourrait devenir supérieur au taux dintérêt du crédit immobilier. En clair : un établissement qui se refinance à 3 % mais qui a prêté à 2 % va perdre beaucoup dargent. Et donc prendre beaucoup de risques
Hausse des impayés. La solution du Comité de Bâle : généraliser les prêts révisables en France. Grosso modo, ces crédits qui peuvent varier à la hausse comme à la baisse permettent aux banques de se refinancer court pour prêter court. « Dans ce cas, le risque de taux nest plus porté par la banque, mais par lemprunteur », pointe Pascal Beuvelet. Dans le futur, une hausse des révisables pourrait alourdir les remboursements des particuliers, créant un autre risque inquiétant : la hausse des défauts de paiement !
Ne pas casser le marché. Les Français sont viscéralement attachés aux crédits à taux fixes. Ces derniers comptent aujourdhui pour 98,6 % de la production de prêts à lhabitat selon la dernière étude CSA/Crédit Logement. « Il semble improbable que les banques françaises systématisent les révisables car elles ne veulent pas casser la dynamique que le marché immobilier commence à retrouver », note Sandrine Allonier, responsable des relations banques chez le courtier Vousfinancer.com. Les orientations du Comité de Bâle seront connues en septembre. Une affaire à suivre avec intérêt !
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