Loi Pinel pour le commerce : une réforme des baux commerciaux et dérogatoires
La loi « Pinel » du 18 juin 2014 réforme les baux commerciaux en les rapprochant des baux d'habitation : indexation et augmentation du loyer plus modérées, états des lieux obligatoires, répartition des charges, impôts et travaux mieux encadrés, création d'un droit de préemption du locataire. Les baux dérogatoires verront leur durée maximale passer de deux à trois ans. Favorable aux locataires, cette réforme inquiète certains bailleurs.
La loi relative à l'artisanat, au commerce et aux très petites entreprises, dite loi « Pinel », du nom de l'ancienne ministre du commerce aujourd'hui en charge du logement, a été publiée au Journal officiel jeudi dernier, 19 juin. Cette loi se veut un véritable « pacte » en faveur du commerce et de lartisanat qui doit soutenir et dynamiser des secteurs fortement employeurs et aux chiffres daffaires importants mais durement touchés par la crise. Pour atteindre cet objectif, la loi souhaite notamment « mieux réguler les rapports locatifs des commerçants et des artisans », ce qui passe par une réforme du régime des baux commerciaux et précaires. Les mesures sont, dans leur ensemble, favorables aux locataires.
Une réforme des baux commerciaux protectrice du locataire
« Pour permettre le maintien dune offre commerciale et artisanale diversifiée sur les territoires », la loi veut améliorer la situation locative des commerçants et artisans, « variable importante de leur équilibre économique, notamment en centre-ville ».
La loi touche plusieurs points cruciaux.
Un encadrement de lévolution du loyer
L'évolution du loyer en cours de bail. Le loyer des baux commerciaux et professionnels fait lobjet, en cours de bail, dune indexation annuelle ou triennale qui peut être basée sur lindice du coût de la construction (ICC), lindice des loyers commerciaux (ILC) ou sur lindice des loyers des activités tertiaires (ILAT). Or, beaucoup de baux sont encore indexés sur lindice le plus ancien, le plus volatil mais aussi et surtout le plus haussier sur le long terme, lICC, ce qui pénalise les locataires.
Pour remédier à cette situation, la loi remplace définitivement l'ICC :
- par lILC pour les activités commerciales, artisanales et industrielles ;
- par lILAT pour les activités tertiaires autres que commerciales et artisanales.
ILC et ILAT serviront donc dindices de référence pour le calcul de lévolution du loyer lors de la révision triennale ou du renouvellement du bail. Ces indices « prennent mieux en compte le niveau des prix et lactivité commerciale. Ils sont moins volatils que lICC et mieux corrélés avec la réalité économique des entreprises ».
L'évolution du loyer en fin de bail. A la fin du bail commercial, propriétaire et locataire se mettent le plus souvent daccord pour un renouvellement du bail. Le loyer du bail renouvelé est, en principe, « plafonné » et fixé en appliquant seulement lindexation. Toutefois, il est des cas ou le loyer est « déplafonné », notamment si la valeur locative du local a fortement augmenté, ce qui peut aboutir à sa (très) forte hausse.
Afin déviter quune forte et brutale augmentation du loyer « ne compromette la viabilité des entreprises commerciales et artisanales », la loi limite à 10 % du dernier loyer acquitté les réajustements annuels qui peuvent être appliqués au locataire, dans les cas faisant exception au principe du « plafonnement » des loyers commerciaux. Comme l'indique cabinet davocats Lefèvre Pelletier & associés, la loi crée donc un « plafonnement du déplafonnement ».
Soit un loyer annuel actuel de 40 000 € pour une valeur locative de 80 000 €. Le bail renouvelé évoluerait comme suit :
Année 1 : 40 000 + 10 % = 44 000 € ;
Année 2 : 44 000 + 10 % = 48 400 € ;
Année 3 : 48 400 + 10 % = 53 240 €.
Des états des lieux obligatoires et une répartition claire des charges et travaux
La loi opère un rapprochement certain des baux commerciaux avec les baux dhabitation pour clarifier les droits et obligations respectives des deux parties et mieux protéger le locataire.
Des états des lieux dentrée et de sortie obligatoires. Pour « améliorer la transparence des relations entre les bailleurs et les locataires », la loi rend obligatoire létablissement dun état des lieux établi de manière contradictoire par les deux parties au moment de la prise de possession des locaux et lors de leur restitution. A défaut détat des lieux amiable, létat des lieux est établi par un huissier de justice, à frais partagés par moitié entre le bailleur et le locataire. En absence détat des lieux, le local sera présumé avoir été reçu mais aussi restitué en bon état : le dépôt de garantie devra donc être intégralement restitué au locataire.
Une liste des taxes et impositions récupérables. Afin de « renforcer la transparence et la prévisibilité des charges », la loi prévoit quun inventaire précis et limitatif des charges locatives et impôts revenant à chacune des parties soit annexé au bail et fasse lobjet dun récapitulatif annuel. Par ailleurs, un décret devra préciser les charges qui, en raison de leur nature, ne peuvent être imputées au locataire. Sil faut attendre cette publication pour tirer des conclusions définitives, il est probable que certaines taxes et impositions ne seront plus récupérables sur le locataire et que les baux qui imposent le paiement par les locataires de tous les frais, taxes et impôts ne seront plus autorisés.
Une répartition des travaux mieux définie. Concernant les charges relatives à lobligation de délivrance et dentretien des locaux loués, la loi vient pallier limprécision des textes qui permet le transfert de nombreux travaux sur le locataire, en début comme en cours de bail.
Là encore un décret viendra énumérer les travaux pouvant être transférés au locataire, mais on peut imaginer que les gros travaux et ceux rendus nécessaires pour le bon état de la structure de limmeuble devront demeurer à la charge du bailleur.
Un droit de préemption du locataire en cas de vente du local commercial
Le statut des baux commerciaux assurait déjà protection et stabilité au locataire : bail de neuf ans, droit au renouvellement du bail, possibilité de céder le fonds de commerce ou seulement le bail. Toutefois, la loi va plus loin en accordant, sauf exceptions, au locataire un droit de priorité en cas de vente du local dans lequel il exploite son fonds de commerce (à l'image du droit de préemption du locataire qui existe en matière de location vide d'habitation). En pratique, si le propriétaire bailleur vend les murs, le locataire commerçant en est informé par lettre recommandée AR et sera prioritaire pour en faire lacquisition pendant un mois. Un second droit de préférence est prévu si le propriétaire décide de vendre à des conditions ou à un prix plus avantageux que ce quil avait initialement proposé à son locataire.
Des baux dérogatoires (« précaires ») d'une durée portée de deux à trois ans
Pour différentes raisons, parfois communes (souhaiter tester leur activité sans sengager dans un bail commercial plus contraignant), propriétaires et locataires peuvent souhaiter échapper aux statut des baux commerciaux et signer un bail dérogatoire (appelé aussi, à tort, « précaire »), le fameux bail de « vingt-quatre mois maximum ». Pour plus de souplesse, la loi fait passer de deux à trois ans la durée maximale du bail dérogatoire. Comme c'était le cas précédemment :
- les parties ne pourront plus ensuite conclure un nouveau bail dérogatoire pour exploiter le même fonds dans les mêmes locaux ;
- à l'issue du bail dérogatoire, le locataire devra quitter les lieux sauf accord du bailleur ; dans cette hypothèse, il s'opérera un nouveau bail, obligatoirement commercial et de neuf ans.
Mesure plus anecdotique mais porteuse de simplification et d'économie, les congés pourront à l'avenir être délivrés par lettre recommandée avec accusé de réception ou par acte extrajudiciaire (acte d'huissier), au libre choix de chacune des parties, alors qu'aujourd'hui seul l'acte d'huissier est valable.
Une réforme des baux commerciaux qui inquiète certains professionnels de l'immobilier d'entreprise
La loi s'inspire d'une ambition louable : soutenir un secteur économique capital mais touché par la crise. Si l'objectif de protection du locataire semble atteint, le texte n'est pas sans susciter des critiques. Pas encore de la part des bailleurs particuliers puisque ceux-ci en ignorent encore la portée. En revanche, les professionnels de limmobilier dentreprise (de grands groupes qui louent à de grandes enseignes) réagissent et sinquiètent dun texte trop favorable aux locataires. Par ailleurs, la limitation de laugmentation du loyer lors du renouvellement du bail leur fait craindre une baisse de la rentabilité de leurs investissements. De manière générale, la plus grande protection des locataires déplait aux bailleurs, cela est logique ! Comme cest le cas actuellement avec la loi « Alur » pour les baux dhabitation, la loi Pinel pour les baux commerciaux devra, notamment au travers des décrets, trouver un juste équilibre dans son application pour ne pas décourager les investisseurs.
Sources :
- loi du 18 juin 2014 relative à l'artisanat, au commerce et aux très petites entreprises publiée au JO du 19 juin 2014 ;
- dossier législatif.
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