Location vide et meublée : bilan en demi-teinte de la loi Alur

Laurent Lamielle
Mis à jour par Laurent Lamielle
le 3 février 2017
Juriste chez PAP.fr

Rapports propriétaire/locataire plus encadrés, modèles types de contrats imposés, encadrement des loyers expérimenté : la loi Alur de 2014 a modifié bien des aspects de la location d’habitation. Pour quels résultats ? Un rapport parlementaire dresse un bilan en demi-teinte.

© DR

Presque trois ans après sa publication, un premier bilan des effets de la loi dite « Alur » sur la location dans le parc privé est dressé dans un rapport d’information (1) présenté le 25 janvier 2017 et mis en ligne cette semaine.
Rappelons que les objectifs de la loi Alur du 24 mars 2014 sont d’« améliorer les rapports entre propriétaires et locataires dans le parc privé » et de de « mettre en place une garantie universelle des loyers » afin de « favoriser l’accès de tous à un logement digne et abordable »

Si quelques nouveautés de la loi sont encore à venir (les diagnostics gaz et électricité à annexer au bail par exemple), l’essentiel des mesures s’appliquent aujourd’hui même si le rapport reproche, à raison, un délai de mise en œuvre long dû à la complexité de la matière ainsi qu’à des tergiversations politiques.

L’évolution des rapports propriétaire / locataire

Le rapport fait le point sur diverses modifications dans la relation propriétaire / locataire. Si les rapporteurs considèrent que les évolutions « n’ont, au final, pas bouleversé la situation des acteurs qui agissaient de bonne foi dans la mesure où ils se sont inspirés des bonnes pratiques existantes », ce qui est vrai, il faut aussi souligner que les propriétaires les ont considérées comme de nouvelles contraintes et comme essentiellement favorables aux locataires !

Le contrat type de location

Le rapport loue les bienfaits du modèle type de contrat et de la notice d’information qui y est annexée, insistant sur la clarification apportée aux parties qui aurait permis une baisse des litiges. Reste que la complexité et l’épaisseur totale du contrat et de ses annexes, plusieurs dizaines de pages, déroute bien des propriétaires et locataires !

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L’état des lieux type

Peu d’évolution en ce domaine où la réglementation se contente de fixer le contenu minimum des états des lieux d’entrée et sortie, entérinant finalement les pratiques antérieures des bailleurs. Le rapport souligne que la dématérialisation de l'acte inquiète certains locataires qui n’obtiennent alors l’état des lieux qu’après son établissement.

En revanche le rapport mentionne, à raison, la grande déception que constitue l’absence de grille de vétusté officielle, pourtant très attendue par les propriétaires et les locataires ; celle-ci devait notamment faciliter le règlement parfois douloureux de la restitution du dépôt de garantie. Par ailleurs, le rapport déplore de manière très justifiée le caractère difficilement accessible et compréhensible des grilles de vétusté qui peuvent servir de référence en étant annexées au bail.

Le dossier du locataire

La fixation d’une liste exhaustive de documents pouvant être exigées du locataire est une clarification heureuse qui n’occasionne guère de critiques, sauf en ce qui concerne l’interdiction du RIB. En effet, ce document, autrefois autorisé, pouvait aider au recouvrement des loyers impayés et rassurait donc les bailleurs.

Une location meublée suffisamment garnie

La fixation de la liste des meubles et équipements indispensables à la qualification de meublé comble un vide juridique relatif (le juge avait déjà clairement fixé par le passé le contenu minimal d'un meublé) et apporte une sécurité juridique. Reste qu’il s’agit d’une liste a minima, plutôt conçue pour un studio !

Le préavis réduit en zone tendue

Le rapport souligne, mais cela ne devrait pas être un étonnement, que la réduction du préavis à un mois en zone tendue a été plébiscitée par les locataires qui en ont fait un usage massif.
Toutefois, la multiplication des cas de réduction (neuf !) et la difficulté d’en vérifier la justification (comment par exemple déterminer si un certificat médical est sincère) posent problème aux bailleurs. Face à cette situation, le rapport suggère une piste de réflexion iconoclaste et pour tout dire peu satisfaisante : un délai de préavis de deux mois mais sans exception...

L’encadrement des loyers et la Gul : des ambitions revues à la baisse

Alors qu’encadrement des loyers et garantie universelle des loyers (« Gul ») se voulaient les mesures les plus emblématiques et les plus novatrices de la loi Alur, celles-ci ont finalement été que très partiellement appliquées :

  • les rapporteurs reprochent le manque de volontarisme politique qui aboutit aujourd'hui à une application de l’encadrement des loyers que dans deux villes, Paris et Lille (et deux communes associés) alors que la loi Alur prévoit son application dans toute la zone tendue soit 1 149 villes de 28 agglomérations ;
  • les rapporteurs regrettent l'abandon pur et simple de la Gul qui a été remplacée par Visale.

L’encadrement des loyers : une application a minima

Le rapport reproche au gouvernement d’avoir réduit grandement le périmètre géographique de l’encadrement des loyers (la fixation par l'administration d'un plafond de loyer à ne pas dépasser) en :

  • imposant d'abord une période d’expérimentation dans la seule ville de Paris ;
  • puis en soumettant l’application de la loi au volontariat de chaque commune.

A ces deux points s’ajoutant la complexité de recueillir des données fiables par l’intermédiaire d’observatoires locaux des loyers qu’il a fallu d’abord créer, l’encadrement des loyers ne s’applique aujourd'hui que dans deux villes : Paris et Lille.

Le rapport indique que le niveau des loyers a été contenu dans la capitale sans qu’on puisse véritablement savoir si l’encadrement des loyers en est plus ou moins la cause.

Par ailleurs le rapport apprend que le nombre de litiges relatifs à l’encadrement des loyers à Paris reste faible, sans cependant qu’on puisse savoir si c’est à cause du bon respect de la loi…ou si c’est plutôt dû à une réglementation complexe et encore mal connue qui s’inscrit dans un marché où les locataires ne sont pas en position de force…

Le casse-tête du complément de loyer. Le complément de loyer, qui permet de fixer un loyer plus élevé que le loyer de référence majoré lorsque le logement présente des caractéristiques de localisation ou de confort est d’un maniement excessivement délicat. En effet, comme l’écrivent avec justesse les rapporteurs, « la définition du complément de loyer demeure donc très floue » , ce qui crée une forte insécurité juridique. Ceci est d’ailleurs renforcé par la communication limitée que la Commission de conciliation (CDC) donne à ses avis (la CDC est la seule à traiter cette question dans l’attente de la saisine du juge).

Point important qui doit être pris en compte par les bailleurs : « la CDC de Paris a conclu, dans une majorité des cas, à l’absence de justification du complément de loyer. »

Le rapport donne les deux exemples suivants : « une mezzanine de petite surface, la présence d’un ascenseur ou d’un balcon filant ont été considérées comme des motifs insuffisants pour appliquer un complément de loyer. À l’inverse, la CDC a estimé qu’une terrasse de 16 m² pouvait justifier l’application d’un complément. » 

S’agissant de l’encadrement à la relocation qui lui s’applique dans toute la zone tendue, le rapport déplore qu’il soit encore peu connu même s’il pourrait avoir aidé à la stabilisation des loyers dans certaines agglomérations.

L’abandon de la Gul au profit de Visale

La Garantie universelle des loyers (Gul) devait fonctionner de pair avec l’encadrement des loyers afin de faire de l’investissement locatif un investissement moins rentable mais plus sur. En effet, la Gul devait, gratuitement, garantir à tous les propriétaires le remboursement des impayés et, par voie de conséquence, les inciter à une sélection des candidats locataires moins sévère. Du coté des locataires, la Gul devait faciliter l’accès au logement et mettre progressivement fin à la nécessité de proposer un proche comme caution, mécanisme qui exclut nombre de locataires aux ressources propres pourtant suffisantes. L'abandon de la Gul laisse donc entier ce problème...

En effet, jugé trop coûteuse, la Gul n’aura jamais vu le jour et n’aura été remplacé par Visale (Visa pour le Logement et l’Emploi) que début 2016. Cet outil au périmètre beaucoup plus restreint que la Gul permet le rembourser les impayés pour les locataires de moins de 30 ans et pour les plus de 30 ans qui viennent de trouver un emploi.
Or, le dispositif est récent, encore peu connu et a déjà subi une évolution en moins d’un an…d’où un démarrage que le rapport juge trop timide (environ 8 000 cautions Visale à ce jour), même si un regain d’intérêt se ferait sentir. Reste qu’au-delà d’une meilleure communication autour de Visale souhaitée par les rapporteurs, il faudra réussir à convaincre les propriétaires de l’efficacité du dispositif et de sa possible pérennité alors que les outils précédemment proposés aux propriétaires (« Loca-pass », « GRL ») ont été décevants...

(1) Source : rapport d'information sur la mise en application de la loi Alur déposé par la Commission des affaires économiques et présenté par Messieurs Daniel GOLDBERG et Jean-Marie TÉTART, Députés. Assemblée nationale 25 janvier 2017.


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